En pleine campagne pour l’élection présidentielle du 28 décembre 2025, Faustin-Archange Touadéra se veut maître de son destin politique et diplomatique. Invité de France 24 le 3 novembre, le président centrafricain a affiché un ton confiant, aussi bien sur le plan intérieur qu’extérieur. Il assure avoir « renoué » les relations avec Paris après plusieurs années de brouille, tout en défendant la souveraineté de son pays face aux ingérences et pressions extérieures.
Derrière cette déclaration symbolique « Je ne suis l’otage de personne » se cache un repositionnement géopolitique majeur pour la République centrafricaine (RCA). Entre Paris, Moscou et ses propres dynamiques internes de paix, Touadéra tente de redéfinir la place de la RCA dans le concert régional, tout en préparant le terrain pour un troisième mandat marqué par la stabilité et la diversification des partenariats.
Une posture d’indépendance affirmée de Touadéra
Faustin-Archange Touadéra cherche à briser l’image d’un dirigeant dépendant des soutiens étrangers. Depuis les tensions de 2021, qui avaient vu Emmanuel Macron qualifier son homologue centrafricain d’« otage de Wagner », Bangui s’efforce de retrouver un équilibre dans ses alliances. Le chef de l’État revendique aujourd’hui une diplomatie « décomplexée », capable de dialoguer à la fois avec Paris et Moscou sans renoncer à sa souveraineté.
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Ce recentrage s’inscrit dans une dynamique de « déblocage progressif » des relations avec la France. Après des échanges directs entre les deux présidents, une feuille de route bilatérale aurait été mise en place, ouvrant la voie à une reprise de la coopération dans plusieurs domaines, notamment sécuritaire, éducatif et sanitaire. Touadéra y voit une victoire personnelle, celle d’un homme qui, malgré les crises et les suspicions, a su ramener le dialogue à la table des États.
Mais cette réconciliation ne gomme pas les ambiguïtés. La RCA reste marquée par la présence d’instructeurs russes, dont le sort reste flou depuis la dissolution officielle du groupe Wagner. En refusant de commenter ces discussions, Touadéra garde une marge de manœuvre stratégique, jonglant entre fidélité aux partenaires traditionnels et pragmatisme géopolitique.
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Une stratégie politique tournée vers la paix et la légitimité intérieure
Sur le plan interne, le président centrafricain mise sur la stabilisation du pays pour consolider sa légitimité à la veille du scrutin. Après avoir fait adopter une réforme constitutionnelle lui permettant de briguer un troisième mandat, Touadéra s’appuie sur des avancées tangibles : la signature d’accords avec deux groupes rebelles majeurs, l’UPC et le 3R, et la poursuite de discussions avec le MPC.
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Cette ouverture vers les groupes armés témoigne d’une volonté de pacification, mais aussi d’une stratégie électorale. Dans un pays encore fragmenté par des années de conflit, chaque région pacifiée représente un gain politique considérable. Cependant, le rapport du rapporteur indépendant de l’ONU, Yao Agbetse, rappelle que la situation sécuritaire reste précaire dans le nord-est et le sud-est du pays. La paix reste donc un chantier inachevé, à la merci des rivalités locales et des influences étrangères.
Pour Touadéra, l’enjeu dépasse la simple élection. Il s’agit de poser les bases d’un État réellement souverain, capable de négocier d’égal à égal avec ses partenaires, tout en restaurant la confiance entre le pouvoir central et les citoyens. C’est là que se joue la crédibilité du message : « Je ne suis l’otage de personne » ne vaut que si la RCA elle-même cesse d’être l’otage de ses fragilités. Faustin-Archange Touadéra se présente désormais comme l’architecte d’une Centrafrique émancipée, ni sous tutelle de Moscou ni dans l’ombre de Paris. Cette posture, s’il parvient à la maintenir, pourrait redéfinir la diplomatie centrafricaine et inspirer d’autres nations du continent en quête d’autonomie stratégique. En proclamant qu’il n’est « l’otage de personne », Touadéra trace une ligne d’indépendance ambitieuse encore faut-il que cette liberté proclamée ne reste pas qu’un slogan de campagne dans un pays où l’histoire a souvent prouvé le contraire.
Tony A.

