L’annonce de la candidature d’Alassane Ouattara pour un quatrième mandat présidentiel continue de secouer le paysage politique ivoirien. Cette fois, c’est Pascal Affi N’Guessan, président du Front Populaire Ivoirien (FPI), qui est monté au créneau pour contester vigoureusement la légalité et la légitimité de cette décision. Dans une déclaration sans détour, l’ancien Premier ministre fustige « une manipulation de la Constitution » et dénonce « l’épuisement démocratique » incarné, selon lui, par l’octogénaire au pouvoir depuis 2011.
Au-delà d’une simple opposition partisane, cette prise de parole de N’Guessan traduit un malaise profond autour des fondements mêmes de la démocratie ivoirienne. À l’approche du scrutin du 25 octobre 2025, le pays semble replonger dans les tensions postélectorales récurrentes, ranimées cette fois par la volonté d’un homme d’État de prolonger son règne, malgré des promesses passées de transmission générationnelle. Pour Affi N’Guessan, l’heure n’est plus à la prudence diplomatique : Ouattara serait devenu « un problème pour la Côte d’Ivoire ».
Le quatrième mandat de trop ? Affi N’Guessan dénonce
Au cœur de la dénonciation d’Affi N’Guessan se trouve la question de l’interprétation constitutionnelle. Selon l’opposant, la loi fondamentale est sans équivoque : elle limite le nombre de mandats présidentiels à deux. Or, pour justifier sa nouvelle candidature, le camp Ouattara s’appuie sur la réforme constitutionnelle de 2016, qui aurait selon lui remis les compteurs à zéro. Cette lecture est jugée « politiquement dangereuse et moralement inacceptable » par l’opposition.
Quatrième mandat pour Ouattara : la tentation de l’éternité ?
Affi rappelle que lors de l’adoption de la Constitution actuelle, les rédacteurs eux-mêmes avaient exclu une nouvelle candidature d’Alassane Ouattara. Celui-ci avait d’ailleurs publiquement affirmé, en 2020, qu’il ne briguerait pas de mandat supplémentaire sauf « circonstances exceptionnelles ». En renouvelant sa candidature en 2025, il enterre cette justification temporaire et installe une forme de normalisation de l’exception. Cela crée un précédent troublant dans une région où le respect de la limitation des mandats reste un enjeu brûlant.
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Exclusion, méfiance et soif d’alternance
Pour Pascal Affi N’Guessan, l’enjeu dépasse la personne d’Alassane Ouattara. Il évoque un climat politique vicié : candidats majeurs exclus, liste électorale contestée, Commission électorale jugée partisane, et absence de réforme du code électoral. Dans ce contexte, la promesse présidentielle d’élections « apaisées, transparentes et démocratiques » apparaît selon lui comme une illusion. Affi dénonce « un jeu électoral déséquilibré dès le départ » où la compétition est faussée.
Maurice Kamto exclu : vers une élection sans réelle adversaire ?
L’opposant en appelle à un sursaut collectif. Il affirme que le pays a soif d’alternance, et se présente comme « l’homme de la situation », celui qui peut restaurer la stabilité, réunifier les Ivoiriens et réparer les liens diplomatiques distendus dans la sous-région. Derrière cette ambition, on perçoit aussi une tentative de repositionnement politique personnel, dans un espace d’opposition fragmenté, orphelin de Laurent Gbagbo et bousculé par l’exclusion de figures comme Tidjane Thiam.
Le duel à venir entre Alassane Ouattara et Pascal Affi N’Guessan cristallise une fracture générationnelle autant qu’un affrontement politique. D’un côté, un président de 83 ans qui défie le temps et les règles constitutionnelles. De l’autre, un opposant qui veut incarner le renouveau et l’alternance. Mais cette opposition frontale pourrait ne pas suffire à mobiliser un électorat fatigué par les tensions post-électorales chroniques. La présidentielle d’octobre ne sera pas simplement une bataille de bulletins, mais un référendum sur la démocratie ivoirienne. La Côte d’Ivoire est à la croisée des chemins : persister dans le prolongement du pouvoir ou renouer avec l’esprit de la limitation constitutionnelle et de la rotation démocratique. La voix d’Affi N’Guessan, bien que clivante, pose les bonnes questions. Reste à savoir si l’électorat, et les institutions, y apporteront des réponses à la hauteur des attentes.
Tony A.

