À 83 ans, Alassane Ouattara a annoncé ce 29 juillet 2025 sa candidature pour un quatrième mandat à la tête de la Côte d’Ivoire. Dans une allocution filmée diffusée sur les réseaux sociaux, le président sortant justifie sa décision par les « défis sécuritaires, économiques et monétaires » auxquels le pays serait confronté, estimant que la stabilité nécessite une « gestion expérimentée ». Il promet un mandat de « transmission générationnelle », tout en assurant vouloir garantir un scrutin apaisé et démocratique.
Pourtant, cette candidature d’Alassane Ouattara suscite de vives interrogations au sein de l’opinion nationale et de la communauté internationale. Pendant que l’opposition peine à faire entendre sa voix dans un climat politique verrouillé, le rejet de candidatures de poids comme celles de Tidjane Thiam ou Laurent Gbagbo alimente le doute sur l’équité du processus. La question n’est plus seulement celle de la légalité de cette nouvelle candidature, mais de sa légitimité dans un système démocratique fragilisé.
Un quatrième mandat d’Alassane Ouattara sous couvert d’urgence nationale
Le discours d’Alassane Ouattara s’ancre dans une rhétorique bien connue : celle de la responsabilité d’un chef d’État face au chaos supposé. Menaces terroristes au nord, volatilité économique mondiale, instabilité régionale… Tous les éléments sont réunis pour présenter la continuité politique comme gage de sécurité. Le président n’a pas hésité à brandir son expérience comme un rempart face à l’incertitude, renforçant ainsi une figure de « patriarche protecteur » dans l’imaginaire collectif.
Quatrième mandat en vue ? Ouattara laisse planer l’incertitude stratégique
Mais cette logique de l’homme providentiel finit par confisquer le débat démocratique. En se représentant à 83 ans et après 14 années de pouvoir, Alassane Ouattara réduit le champ des possibles, reléguant l’alternance politique au second plan. Sa promesse d’un mandat de « transmission » semble contradictoire avec le refus de céder la place dès maintenant. Le risque, à terme, est celui d’une démobilisation citoyenne et d’un affaiblissement de la confiance dans les institutions.
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Candidatures rejetées, jeu biaisé ?
La situation devient plus préoccupante encore lorsqu’on observe les conditions d’organisation du scrutin. Plusieurs candidatures symboliques, dont celle de Laurent Gbagbo figure historique de la politique ivoirienne et celle de Tidjane Thiam, représentant une nouvelle génération politique, ont été rejetées par les autorités électorales. Ces exclusions dessinent un paysage électoral dénué de véritable confrontation, où le pluralisme est réduit à une illusion.
Tidjane Thiam radié : quelle opposition face à Ouattara en 2025 ?
Ce climat tendu remet en question la sincérité du processus électoral. L’opposition dénonce une manœuvre destinée à baliser le terrain pour une victoire assurée du RHDP. Or, dans une démocratie apaisée, la compétition politique doit être ouverte, transparente, et fondée sur l’équité des chances. En l’état, le processus ivoirien semble s’orienter vers une élection à candidat unique déguisé, où la participation devient un simple geste symbolique, vidé de son essence citoyenne.
La nouvelle candidature d’Alassane Ouattara cristallise les tensions entre stabilité institutionnelle et renouveau politique. Si l’expérience est un atout, elle ne saurait se substituer au principe fondamental de l’alternance démocratique. À force de jouer la carte de la continuité, le régime prend le risque d’une rupture brutale, dans un pays encore marqué par les violences post-électorales de 2010. Au-delà des discours rassurants, la Côte d’Ivoire se trouve à la croisée des chemins : celle d’une transition réelle vers une gouvernance partagée et inclusive, ou celle d’un système à bout de souffle, où le pouvoir devient l’apanage d’un cercle restreint. La présidentielle d’octobre 2025 ne sera pas seulement un vote. Elle sera un nouveau test de maturité pour l’État ivoirien et un indicateur fort pour toute l’Afrique de l’Ouest.
Tony A.

