Vers un quatrième mandat ? La Côte d’Ivoire retient son souffle. Lors du deuxième congrès ordinaire du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le président sortant Alassane Ouattara a été formellement désigné candidat pour la présidentielle du 25 octobre 2025. Pourtant, l’homme fort d’Abidjan ne s’est pas encore prononcé officiellement sur sa participation à un quatrième mandat. Il s’est accordé quelques jours de « réflexion », laissant les Ivoiriens et la classe politique suspendus à sa décision.
Ce suspense savamment entretenu laisse des interrogations multiples. S’agit-il d’une volonté réelle d’écouter la base avant de se lancer ? Calcul politique pour jauger les réactions nationales et internationales ? Ou stratégie de verrouillage progressif du jeu électoral ? Derrière ce moment d’attente se joue peut-être bien plus que l’annonce d’une candidature pour un quatrième mandat. C’est-à-dire une démonstration de contrôle sur le tempo politique du pays.
Une désignation sans surprise, mais non sans signification
Le choix du RHDP sur Alassane Ouattara pour un quatrième mandat n’a surpris personne. Alassane Ouattara reste la figure dominante du parti, et aucun dauphin crédible n’a émergé avec la même stature. Ce plébiscite est aussi un signal adressé à ses partisans en l’absence de consensus sur une relève interne. Aussi la stabilité du parti reposerait encore sur son leadership. Le RHDP, structuré autour de sa personnalité, semble pour l’instant incapable de se projeter dans l’ère post-Ouattara.
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En se laissant du temps pour répondre à ce quatrième mandat, le président sortant impose son rythme au débat politique. Ce report lui permet d’observer les réactions internes (notamment de ses anciens alliés devenus concurrents) et de calibrer sa communication. Il conserve aussi l’avantage tactique pendant que l’opposition affine ses stratégies. Le camp présidentiel reste donc dans la posture du pouvoir silencieux et indépassable.
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Un quatrième mandat à haut risque pour la stabilité démocratique
Mais cette stratégie du « ni oui ni non » n’est pas sans conséquences. À l’échelle institutionnelle, elle brouille les lignes du jeu démocratique, en maintenant l’incertitude sur la compétition. Au sein de l’opinion publique, elle relance les tensions autour de la légitimité d’un éventuel quatrième mandat, dans un pays encore marqué par les violences post-électorales de 2010 et 2020.
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L’enjeu dépasse donc la simple arithmétique électorale. La candidature d’Ouattara, si elle est confirmée, devra se justifier politiquement et moralement face à une population partagée entre reconnaissance pour sa gestion macroéconomique et fatigue face à la longévité au pouvoir. La tentation du pouvoir prolongé pourrait être perçue comme un recul démocratique, alimentant le scepticisme de la jeunesse et des partenaires internationaux.
Alassane Ouattara reste maître du calendrier, mais pas sans risques. Sa désignation par le RHDP ressemble à une investiture sans appel, mais sa propre hésitation introduit une forme d’ambiguïté calculée. Ce jeu d’équilibriste entre autorité et suspense reflète les dilemmes d’une Côte d’Ivoire en quête de stabilité mais en manque d’alternance. À mesure que le compte à rebours électoral s’enclenche, le pays s’interroge : cette énième candidature sera-t-elle celle de trop ou celle de la consolidation ? Le choix final d’Ouattara pourrait bien redéfinir non seulement l’élection d’octobre, mais aussi le futur démocratique du pays.
Tony A.