Avec 51 % des décès liés au terrorisme dans le monde enregistrés en 2024, le Sahel est devenu le cœur brûlant d’une crise sécuritaire mondiale. Le dernier rapport de l’Indice mondial du terrorisme 2025, publié par l’Institute for Economics and Peace, consacre cette région comme la plus meurtrière de la planète, surpassant de loin le Moyen-Orient ou l’Asie du Sud. Une statistique glaçante, mais surtout un signal d’alarme sur une guerre asymétrique que les États concernés semblent de plus en plus incapables de contenir.
Dans le sahel, le Burkina Faso, le Niger, le Mali, le Nigeria sont les pays les plus affectés, et cumulent des centaines de morts chaque année. Malgré les coups d’État successifs, les discours de rupture avec les anciennes puissances coloniales et la montée d’une souveraineté militaire revendiquée, les faits sont implacables : les groupes armés gagnent du terrain, les populations civiles paient le prix fort, et la gouvernance s’effondre. Le Sahel n’est plus seulement en crise : il est devenu un champ de bataille global où s’affrontent milices, États affaiblis, et ambitions géostratégiques.
Burkina, Niger, Mali : des États en guerre et en repli
Le Burkina Faso reste pour la deuxième année consécutive le pays le plus touché par le terrorisme au monde, avec plus de 700 morts en 2024. Malgré les promesses de fermeté du capitaine Ibrahim Traoré et une rupture affichée avec l’alliance militaire occidentale, les attaques se sont intensifiées. L’armée, pourtant omniprésente, est débordée, et la stratégie d’autodéfense villageoise s’avère insuffisante face à des groupes bien armés et mobiles.
Au Niger, la situation s’est brutalement inversée. Alors qu’il était salué pour ses progrès en 2022, plus de 400 morts ont été enregistrés en 2024, illustrant la fragilité des avancées sécuritaires. L’arrivée des militaires au pouvoir a été suivie d’un recentrage sur la lutte contre les bases djihadistes, mais les attaques continuent de viser villages, militaires et lieux publics, rendant illusoires les discours de restauration de la souveraineté.
Au Mali, la montée en puissance des FAMa et de leurs alliés russes n’a pas empêché des attaques spectaculaires comme celle contre l’école de gendarmerie de Bamako (60 morts). Le régime d’Assimi Goïta peine à sécuriser le centre et le nord du pays, et l’influence des groupes terroristes reste profondément enracinée.
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La spirale continue, entre rivalités terroristes et effondrement local
Au Nigeria, la menace reste diffuse, polymorphe, et persistante. Les attaques de 2024 montrent une recomposition violente du paysage terroriste, notamment avec le groupe ISWAP qui a non seulement frappé des civils (100 à 150 morts dans le village de Mafa), mais aussi attaqué Boko Haram lui-même dans une lutte pour le contrôle territorial et idéologique, faisant plus de 70 morts.
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Cette guerre entre factions terroristes complexifie davantage la riposte de l’État nigérian, déjà confronté à un sous-investissement chronique dans le nord-est du pays. L’absence de développement, l’abandon des populations et la corruption locale favorisent un climat propice à l’enrôlement et à l’expansion de la violence armée. Au-delà des chiffres, c’est l’ancrage durable de l’instabilité qui inquiète.
Le Sahel, miroir d’une faillite mondiale
Les données de l’Indice mondial du terrorisme confirment une réalité que les populations vivent au quotidien. Le Sahel est à la dérive, et les solutions militaires, jusqu’ici dominantes, n’enrayent pas la spirale. Pire, les coups d’État et les stratégies sécuritaires unilatérales semblent renforcer le désordre. En toile de fond, c’est l’effondrement du contrat social dans plusieurs pays qui nourrit la terreur.
Face à ce constat dans le sahel, une réponse uniquement armée est vouée à l’échec. L’urgence est à la reconstruction des institutions, à l’écoute des territoires, à l’investissement dans l’éducation, les infrastructures et la cohésion sociale. Faute de quoi, le Sahel restera cet espace de souffrance globale, où les morts anonymes d’hier préfigurent les fractures de demain.
Tony A.