Après le Gabon et le Tchad, la Côte d’Ivoire emboîte le pas en reprenant le contrôle total d’une base stratégique. Ce jeudi 20 février marque une étape symbolique dans les relations franco-ivoiriennes avec la rétrocession officielle du camp de Port-Bouët à l’armée ivoirienne. Cet événement s’inscrit dans une dynamique plus large de reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique, amorcée après la fin de l’opération Barkhane au Sahel. Ce repositionnement français vise à répondre aux revendications croissantes des populations et gouvernements africains, qui exigent une plus grande autonomie en matière de sécurité et de défense.
Longtemps bastion du 43e Bataillon français d’infanterie de marine (BIMA), le camp militaire de Port-Bouët, base de 230 hectares est désormais sous contrôle ivoirien. Le départ progressif des troupes françaises, prévu d’ici l’été, marque une rupture avec une présence militaire continue depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire en 1960. Dans le même temps, la création d’une académie militaire des systèmes d’information et de communication à Abidjan traduit une nouvelle forme de partenariat centrée sur la formation et le renforcement des capacités des forces locales.
La rétrocession du camp de Port-Bouët sous haute surveillance
Si la rétrocession du camp de Port-Bouët se déroule sans accroc, elle demeure sous haute surveillance tant les enjeux sont importants pour l’armée ivoirienne. Le transfert progressif des infrastructures et des responsabilités opérationnelles doit garantir une transition fluide sans affecter les capacités de défense du pays.
Depuis le 20 janvier, un bataillon de 90 parachutistes ivoiriens a pris ses quartiers sur le camp de Port-Bouët, profitant de l’espace et des infrastructures pour améliorer sa préparation opérationnelle. Le capitaine Fabrice Yoboué Kouamé, chef du détachement, souligne l’importance de disposer d’une installation centralisée pour l’entraînement des troupes. « Nous avons accès à des infrastructures qui nous permettent de nous entraîner plus facilement et d’être prêts opérationnellement », explique-t-il.
L’objectif du gouvernement ivoirien est de renforcer son autonomie militaire tout en maintenant une coopération étroite avec Paris. Ainsi, une centaine de militaires français demeureront sur le camp de Port-Bouët pour assurer des formations et superviser des exercices conjoints. Pour le colonel Ivert, commandant du détachement français interarmé de Côte d’Ivoire, « le cœur de notre coopération, ce sera des entraînements en commun dans lesquels tout le monde apporte à tout le monde ». Une vision partagée par les officiers ivoiriens, qui voient en cette transition une opportunité d’accroître l’expertise locale tout en bénéficiant d’un appui ponctuel français.
Lire Aussi : Côte d’Ivoire : Les violences sexuelles au travail, un fléau invisibilisé
Un redéploiement français qui réinvente la relation militaire
Cette démarche s’inscrit dans une politique plus large de la France, qui cherche à adapter sa présence militaire en Afrique en réponse à la montée du sentiment souverainiste sur le continent. La fin des bases permanentes permet à Paris d’éviter une implication automatique en cas de crise politique ou militaire dans un pays partenaire. De plus, cette stratégie vise à réduire la perception d’une ingérence excessive, un reproche régulièrement adressé à la France par plusieurs gouvernements africains.
Le modèle de coopération militaire qui se met en place repose désormais sur l’accompagnement et la formation, plutôt que sur une présence physique massive. En outre, la France met l’accent sur des interventions ciblées et des partenariats renforcés avec des armées locales plus autonomes. Cette approche, qui vise à reconfigurer la présence française en Afrique, reste toutefois sous étude. La capacité des forces ivoiriennes à maintenir un niveau de sécurité élevé sans une assistance permanente sera un test décisif pour l’avenir de cette nouvelle stratégie.
Avec la rétrocession du camp de Port-Bouët, la Côte d’Ivoire franchit une nouvelle étape vers une autonomie militaire accrue, tout en conservant une coopération stratégique avec la France. Ce repositionnement militaire marque également une adaptation de la politique de défense française face aux réalités politiques du continent africain. Si cette transition semble se dérouler sans heurts, elle pose des questions sur l’avenir des relations militaires entre la France et ses partenaires africains. La capacité des armées locales à assurer leur propre sécurité dans un contexte de menaces persistantes sera déterminante pour l’efficacité de ce nouveau modèle de partenariat. En attendant, la Côte d’Ivoire entend bien tirer parti de cette reprise de contrôle pour renforcer son appareil militaire et affirmer son indépendance stratégique.
Tony A.