Le naufrage d’un bus de la compagnie STM, survenu dans la nuit du 16 au 17 août dans le fleuve Ouémé, a provoqué la mort d’au moins un passager et laissé 44 autres disparus. Au-delà de la tragédie humaine, cet accident exhibe des enjeux politiques et diplomatiques, notamment dans un contexte marqué par les tensions croissantes entre Cotonou et Niamey.
Dimanche 17 août, en fin d’après-midi, les autorités faisaient état de 44 disparus, en plus des neuf rescapés et du corps retrouvé le matin. Les plongeurs avaient rapidement localisé l’épave du bus STM, mais les tentatives pour la sortir du fleuve se sont révélées complexes. Une grue a été mobilisée, puis un second engin spécialisé appelé en renfort. En soirée, l’autocar n’avait toujours pas été remonté. Selon le gouvernement, l’accident, survenu vers minuit sur la route nationale inter-États n°2, serait lié à une perte de contrôle. Le choc a violemment arraché la barrière métallique du pont sur plusieurs mètres. Le gouvernement béninois a déployé le plan ORSEC et mobilisé plongeurs, pompiers et ministres sur les lieux. La présence de nombreux passagers nigériens à bord de l’autocar donne à ce drame une dimension transfrontalière. La solidarité affichée par l’ambassadeur du Niger contraste avec les relations crispées entre les deux pays, révélant comment une catastrophe peut à la fois exacerber ou tempérer des tensions régionales.
Bus STM accidenté, un drame humanitaire aux résonances diplomatiques
Le bus STM accidenté reliait Lomé à Malanville, porte d’entrée vers le Niger. Plusieurs passagers nigériens figuraient parmi les disparus, faisant de cette tragédie un sujet de préoccupation directe pour Niamey. Dans un contexte où les relations bénino-nigériennes sont tendues depuis le renversement du président Bazoum en juillet 2023 et le durcissement des positions de la junte face à ses voisins, l’accident du bus STM place le gouvernement béninois face à un double défi : gérer l’urgence humanitaire tout en maîtrisant la portée diplomatique du drame.
La visite sur place de l’ambassadeur du Niger revêt une importance symbolique. Elle traduit une volonté de ne pas laisser le dossier humanitaire être parasité par le climat politique. Mais cette présence est aussi un signal envoyé à Cotonou. Niamey surveille de près la gestion des victimes nigériennes. Toute défaillance pourrait être interprétée comme une indifférence, voire un mépris, dans un contexte où la méfiance bilatérale reste vive.
En ce sens, les opérations de secours deviennent plus qu’une mission technique. Elles représentent un test pour le gouvernement Talon, sommé de prouver à la fois sa capacité de protection des voyageurs étrangers et sa bonne foi dans la gestion d’une catastrophe transfrontalière.
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Un révélateur des fragilités régionales
Au-delà des symboles diplomatiques, cet accident du bus STM illustre la fragilité des infrastructures de transport en Afrique de l’Ouest. L’arrachage de la glissière de sécurité du pont sur la RNIE2 montre que les dispositifs routiers restent insuffisants pour prévenir de telles catastrophes. Ce constat pèse lourdement sur l’image d’un Bénin qui cherche pourtant à se présenter comme un modèle de stabilité et de modernisation dans la sous-région.
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Le drame avec le bus STM révèle également la vulnérabilité des populations transfrontalières, qui dépendent des liaisons routières entre Lomé, Cotonou, Malanville et les villes nigériennes. Dans un contexte où les frontières terrestres font déjà l’objet de tensions politiques et militaires, voir la principale voie de transit vers le Niger devenir le théâtre d’une tragédie ne peut qu’accentuer le sentiment d’abandon des populations.
Enfin, la catastrophe souligne l’interdépendance régionale. Les victimes sont togolaises, béninoises et nigériennes. Cet enchevêtrement humain démontre qu’aucun État ne peut gérer seul ce type de drame, et qu’une coopération sécuritaire et humanitaire est indispensable. Or, la crise actuelle entre Niamey et Cotonou rend cette coopération plus incertaine que jamais.
Un drame aux échos politiques

Le naufrage du bus STM dans le fleuve Ouémé dépasse le cadre d’un simple accident. Il met en exergue les carences structurelles du système de transport, mais surtout, il s’invite dans un climat de méfiance entre le Bénin et le Niger. Pour le président Patrice Talon, la gestion de ce drame constitue à la fois un test de gouvernance interne et une épreuve diplomatique. Pour Niamey, il s’agit de rappeler que la vie de ses ressortissants ne saurait être reléguée au second plan.
En filigrane, l’accident révèle une vérité plus large. Dans une sous-région traversée par les crises politiques, sécuritaires et économiques, même un drame routier peut devenir un catalyseur de tensions diplomatiques, mais aussi paradoxalement une opportunité de renouer un dialogue humanitaire que la politique seule ne parvient plus à initier.
Tony A.

