Il y a plus d’un an, une page se tournait dans le monde des affaires africaines. Le groupe Bolloré, figure de proue du transport et de la logistique sur le continent, tirait sa révérence, laissant derrière lui un héritage controversé et une empreinte profonde dans les ports et les couloirs du pouvoir.
Qu’est ce qui a fait la force dans l’odyssée africaine du groupe Bolloré ? Ensemble décortiquons comment l’empire a été bâti et explorons les dynamiques qui l’ont propulsé au sommet.
Une fulgurante expansion du groupe Bolloré
L’histoire du groupe Bolloré débute avec des feuilles à rouler OCB et du papier bible. Fondée en 1822 en France, la modeste papeterie familiale devient un géant mondial du transport et de la logistique. Vincent Bolloré, visionnaire et ambitieux, applique une tactique d’expansion implacable. Les années 80 marquent un tournant décisif : la vente des usines à papier ouvre la voie au tabac en Afrique. Un coup de maître qui lancera l’ascension fulgurante de l’empire.
L’Afrique est son terrain de jeu, et Bolloré devient le maître de la stratégie. Sa toile d’araignée s’étend : tabac, bois, cacao, coton, café, caoutchouc, bananes… Tout est prétexte à croissance. Mais pour exporter, il faut maîtriser les flux. En 1986, il prend le contrôle de la SCAC, une holding maritime et logistique. En moins de 10 ans, un géant s’élève au sud du Sahara. Comment ? Grâce à une collaboration trouble avec les dirigeants africains.
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La « Françafrique Entrepreneuriale » : Un capitaine et ses gouvernants
Depuis lors le groupe Bolloré prospère au sein d’une relation symbiotique avec les gouvernants africains. La Françafrique, mélange de diplomatie parallèle, d’influences politiques et de coups d’État orchestrés, crée un terreau propice à son expansion. Les accords sous-évalués, les faveurs fiscales, tout sert son dessein. Vincent Bolloré incarne le capitalisme de connivence, s’élevant au sommet de l’industrie en étendant ses tentacules sur 42 ports africains.
Contrôler les terminaux, c’est détenir le cœur économique de l’Afrique. Bolloré ne s’arrête pas aux ports : les chemins de fer deviennent sa prochaine cible. Le réseau ferroviaire se plie à sa volonté : Sitarail, Camrail, Bénirail… En moins de 40 ans, un réseau logistique intégré couvre le continent. Une emprise qui suscite des questions sur la souveraineté portuaire et la collusion avec des puissances étrangères.
L’empire se fragilise
Mais chaque succès porte son fardeau. Les relations troubles et les méthodes de Bolloré commencent à se retourner contre lui. L’opinion publique gronde, les dirigeants se méfient. L’érosion de l’influence française en Afrique affecte également ses activités. Et alors que ses affaires prospèrent, Bolloré saisit l’opportunité de la situation post-COVID pour vendre ses activités africaines, récoltant une somme bien supérieure à leur valeur.
Le départ du groupe Bolloré ouvre la voie à un nouvel acteur : le groupe italo-suisse MSC. L’empire Bolloré, Africa Logistics, change de mains, promettant « la continuité ». Mais les pays africains doivent s’interroger : la ZLECAf, ce futur marché gigantesque, profitera-t-elle réellement au continent ? Une introspection s’impose : favoriser l’émergence de mastodontes locaux pour un commerce interafricain solide.
L’Afrique ne peut plus se permettre de simplement exporter ses matières premières. Il est temps de miser sur la valeur ajoutée, de construire des infrastructures et de renforcer les champions locaux. La route est longue, semée d’obstacles et de remises en question. Mais la ZLECAf offre une opportunité unique pour que l’Afrique retrouve sa souveraineté portuaire et économique, sans être menée en bateau par les intérêts étrangers.
Steven Edoé Wilson