A l’approche de deux nouvelles et importantes élections – régionales et législatives – l’opposition togolaise a du mal à s’organiser. Comme à ses habitudes, elle est empêtrée dans la division et la confusion face à un parti au pouvoir (Unir) conforté par sa discipline et sa stratégie de gagner.
« Il n’est pas question que la Dynamique qui porte mon nom participe à un simulacre d’élections au Togo, aussi longtemps que le contentieux du 22 février 2020 n’est pas vidé. » Le 02 avril 2023, l’ancien archevêque de Lomé, Philippe Fanoko Kpodzro répond aux interrogations sur une participation de la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK), une coalition de certains partis de l’opposition et organisations de la société civile aux élections régionales et législatives prévues cette année. Une semaine après cette déclaration, le regroupement créé, il y a trois ans s’est disloqué.
A l’exception du Monseigneur Kpodzro et du Mouvement patriotique pour la démocratie et le développement (MPDD) d’Agbéyomè Kodjo, les autres membres dont Brigitte Adjamagbo Johnson à leur tête crée la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP). Une façon pour eux « de saisir l’opportunité des prochaines élections pour concrétiser l’alternance ».
De tels revirements ne sont pas nouveaux sur la scène politique togolaise. Ils sont plutôt habituels et saisonniers dans le rang d’une opposition toujours en quête de ses marques le temps d’une élection à une autre. Tantôt divisée ou étourdie sur ses propres méthodes à adopter face au parti au pouvoir, tantôt dispersée ou infectée dans ses idéaux pour convaincre le cœur des électeurs. L’opposition au Togo peine à s’entendre et à avoir une ligne de conquête.
Une absence d’idéal et une incapacité à s’unir
Faut-il aller ou pas aux élections prochaines ? Est-ce opportun de dialoguer avec le pouvoir ? Comment s’organiser pour conquérir l’électorat et par conséquent le pouvoir ? C’est l’équation à plusieurs inconnus à laquelle l’opposition togolaise est soumise à la veille de chaque élection. Et sa résolution révèle à la fois son absence d’idéal pour le togolais et son incapacité à concevoir une stratégie de victoire.
Presque toujours unie par l’incapacité individuelle de gagner une élection, elle est dès le lendemain divisée par des conflits d’égo personnel et des intérêts particuliers ou des prébendes. Des années que cela dure.
En 2015, convaincus d’une faible représentativité et d’un maillage piteux sur toute l’étendue du territoire national, cinq partis de l’opposition à créer le Combat pour l’Alternance (CAP 2015) et de porter la candidature de Jean Pierre Fabre. Mais après l’échec, cette coalition livrée à des querelles internes et des conflits d’égo, est restée l’ombre d’elle-même à ce jour.
La Coalition Arc-en-ciel, elle créée en 2012, connut un sort bien plus décevant révélant la décrépitude du personnel de l’opposition au Togo par manque de cohérence et de cohésion. La désignation à l’époque d’un candidat unique de cette coalition a très tôt prouvé l’incapacité des leaders de l’opposition à s’unir autour d’un projet commun dans le sens de l’intérêt des togolais ou même de l’alternance tant criée. Pour preuve, seuls les souvenirs tenaces époussètent encore le nom de ce regroupement de façade.
Comme ce que fut encore plus récemment la Coalition de 14 partis de l’opposition (C14). Née dans la fièvre des manifestations politiques de 2017, elle n’a pas survécu aux élections législatives de décembre 2018. Après le succès mitigé de quelques manifestations conduites, elle s’est enfoncée dans la division et d’incompréhensions inutiles à la veille du dialogue politique inter-togolais.
Entre Tikpi Atchadam du Parti National Panafricain et Jean Pierre Fabre de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), tous membres de la coalition, l’entente d’un dialogue avec le pouvoir ou la poursuite des violentes manifestions n’a pas eu lieu. Ce qui d’ailleurs avait conduit la coalition a boycotté les élections législatives se retrouvant plus tard en bien mauvaise posture. Elle a fini par être réduite à une portion congrue de cinq partis politiques relookée en Dynamique du Monseigneur Kpodzro (DMK) dans la perspective de l’élection présidentielle de février 2020.
Trois ans après, cette dernière devient la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP) à la suite de bien de divergences internes et s’annonce comme l’archétype d’une opposition incohérente dans sa quête du pouvoir et en manque de stratégie gagnante dans sa capacité de mobilisation des togolais autour de son projet d’alternance, tant chanté mais renvoyé de toute évidence aux calendes grecques.
Des querelles internes et des conflits d’égo de l’opposition
C’est donc tout à fait normal que la mise en place de la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP) et même l’attitude de l’Alliance Nationale pour le Changement à la veille de deux scrutins majeurs donnent lieu à de nombreuses interprétations et nourrissent les conversations. Il est de coutume de voir ces regroupements, mais ils le sont tous de façade.
Et l’on se demande si les nouveaux regroupements, Grand mouvement citoyen (GMC), Ensemble, récemment crées par certains partis de l’opposition vont-ils faire mieux ? Loin s’en faut. Car c’est foncièrement la confirmation de la constance de cette instabilité au niveau de l’opposition incapable de se mettre d’accord sur un idéal commun face au pouvoir en place. La multiplicité des regroupements ou alliances dénotent de cette méfiance continue qui ronge ces partis à la quête d’alternance au Togo.
De ce fait, les incessantes guerres des égos empêchent les populations de s’identifier à un idéal constructif et un projet concret de cette alternance, donnant ainsi raison à ceux qui pensent que de tout le temps, les opposants togolais ont toujours privilégié leurs propres intérêts avant ceux du peuple.
Pis, la répétition du même scénario depuis presque un quart de siècle démontre à suffisance qu’ils n’ont aucune intention d’accéder au pouvoir ou qu’ils manquent clairement de stratégie. Et en vérité, elle n’en a jamais eu. De Gilchrist Olympio à Agbéyomè Kodjo en passant par Jean Pierre Fabre, les suffrages récoltés le démontrent. La raison, est que la plupart des partis politiques de l’opposition ne se créé pas autour de projet de société, mais autour des hommes et parfois de discours ethniques. Du coup, les idées peinent à prendre le dessus sur les individus.
Le débat sur la construction de l’avenir et du bien-être des togolais est relégué au second plan. Sans idéologie précise, les partis de l’opposition sont alors à un opportunisme motivé le plus souvent par des préoccupations matérielles. L’épisode des 30 millions d’un Chef d’Etat de la sous-région à la Coalition de 14 partis de l’opposition est encore frais dans les esprits. Les divisions et les déchirements sont permanents. De nombreux observateurs estiment d’ores et déjà que la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP), de même que les autres récents regroupements sont partie pour faire chou blanc.
Les citoyens également dans leur grande majorité qui refusent à tout point de vue de renouveler leur confiance à l’opposition. Les pertes de suffrages enregistrées dans leurs propres fiefs lors des dernières échéances le prouvent. En attendant, le parti Union pour la République (UNIR) reste égal à lui-même sur l’échiquier national.
Mieux organisé et bien ancré sur l’ensemble du territoire, le parti du Chef de l’Etat togolais tient la main par sa discipline de groupe, sa stratégie de proximité et une écoute attentive aux préoccupations des togolais. Et il est bien parti non seulement en tant que favori pour les prochaines échéances, mais aussi avec un très grand coup d’avance.