La junte militaire au pouvoir en Guinée depuis le coup d’État de septembre 2021 a annoncé la tenue d’un référendum constitutionnel le 21 septembre prochain, marquant une étape clé vers le retour à l’ordre constitutionnel. Cette annonce intervient alors que le pays est plongé dans une incertitude politique grandissante, alimentée par des reports successifs des engagements pris par le général Mamadi Doumbouya.
Initialement, la transition devait s’achever avant fin 2024, mais le calendrier électoral a été repoussé à 2025, nourrissant ainsi le scepticisme de l’opposition et d’une partie de la société civile. Si ce référendum constitutionnel est présenté comme une avancée majeure, il suscite des interrogations sur la volonté réelle de la junte d’organiser des élections libres et inclusives. L’opposition, vent debout contre la prolongation de la transition, dénonce une manœuvre dilatoire et doute de la transparence du processus en l’absence d’un fichier électoral fiable.
Un référendum constitutionnel en manque de garanties
L’un des principaux points d’achoppement réside dans l’absence d’un fichier électoral actualisé, condition essentielle pour garantir un scrutin crédible. Edouard Zoutomou Kpoghomou, vice-président de l’ANAD, dénonce une stratégie de diversion de la junte et remet en cause la sincérité de son engagement à organiser un retour rapide à un régime civil. À ses yeux, le retard accumulé dans la mise en place des institutions électorales et l’absence de consensus politique sapent la légitimité du référendum constitutionnel annoncé.
De son côté, Diabaty Doré, leader du RPR, adopte une posture plus mesurée. Tout en saluant l’annonce du référendum constitutionnel comme une première étape nécessaire, il pose la question centrale de la transparence du processus. Des garanties doivent être apportées pour éviter que ce référendum ne soit qu’un écran de fumée permettant à la junte de prolonger son règne. La communauté internationale, observant de près l’évolution du processus, pourrait également jouer un rôle clé dans la supervision et la crédibilisation du scrutin.
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Un enjeu de taille : la définition des critères électoraux
Au-delà du calendrier, une autre question fondamentale se pose : qui pourra se présenter aux élections à venir ? La nouvelle Constitution doit clarifier les conditions d’éligibilité des candidats, un sujet particulièrement sensible dans un pays marqué par des crises politiques récurrentes. L’opposition craint que la junte n’impose des critères taillés sur mesure pour évincer certaines figures politiques ou faciliter la reconversion de militaires au pouvoir en acteurs politiques légitimes.
Le retour à l’ordre constitutionnel en Guinée ne saurait se résumer à un simple référendum. Il nécessite un dialogue inclusif, une feuille de route claire et des institutions électorales indépendantes. Faute de quoi, le pays risque de s’enliser dans une nouvelle crise post-électorale, avec un climat de défiance généralisée et des risques de manifestations populaires.
L’annonce du référendum constitutionnel marque une avancée symbolique, mais elle ne dissipe pas les doutes sur la volonté réelle de la junte de céder le pouvoir. Le respect des délais, la transparence du processus et l’inclusion de toutes les forces politiques seront des éléments déterminants pour éviter que ce référendum ne soit perçu comme une simple manœuvre de prolongation de la transition militaire. Dans un contexte où la confiance entre les acteurs politiques et la junte est déjà profondément érodée, le risque est grand de voir cette initiative déboucher sur un nouveau cycle d’instabilité politique.
Tony A.