Le 2 avril 2025 marque un tournant pour les six pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) avec la mise en circulation d’une nouvelle gamme de pièces de monnaie, baptisée « type 2024 », par la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC). Cette initiative vise à résoudre une problématique de plus en plus pressante : la rareté des pièces de monnaie, qui entravait les transactions quotidiennes, notamment dans les marchés et les transports.
Le lancement officiel, orchestré en visioconférence depuis Bangui par le gouverneur de la BEAC, Yvon Sana Bangui, suscite un soulagement parmi la population. À Brazzaville, les commerçants et les usagers se réjouissent de cette initiative qui mettra fin aux tensions causées par le manque de petite monnaie. Toutefois, si la réforme est perçue comme une avancée, l’introduction d’une nouvelle pièce de 200 FCFA soulève déjà des interrogations économiques et sociales.
Un soulagement pour les échanges quotidiens
La pénurie de pièces de monnaie en Afrique centrale a longtemps constitué un frein aux transactions. Dans de nombreux secteurs, notamment les transports et le commerce de proximité, le manque de monnaie divisionnaire obligeait les vendeurs et les clients à arrondir leurs prix ou à troquer des produits pour compenser l’absence de pièces. Cette situation créait des tensions et de la frustration, accentuant les difficultés économiques des ménages.
Avec cette nouvelle gamme, la BEAC entend réinjecter 500 millions de FCFA en pièces chaque année, avec un objectif ambitieux de 3 milliards de FCFA d’ici 2030. Cette politique vise à rééquilibrer la circulation monétaire et à redonner de la fluidité aux paiements en espèces, garantissant ainsi une meilleure accessibilité aux petites transactions. Cependant, la véritable efficacité de cette réforme dépendra du suivi de la mise en circulation et de la capacité des banques à assurer une distribution homogène sur l’ensemble du territoire.
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Une inflation cachée derrière la pièce de 200 FCFA lancée par la BEAC ?
Si la modernisation monétaire est bien accueillie, l’introduction de la pièce de 200 FCFA inquiète certains experts. Cette nouvelle coupure, bien que pratique, pourrait entraîner une hausse artificielle des prix, notamment dans le secteur du transport urbain. En effet, les transporteurs, souvent accusés d’arrondir les tarifs à la hausse à chaque introduction d’un nouveau billet ou d’une nouvelle pièce, pourraient prendre prétexte de cette nouveauté pour revoir leurs prix à la hausse.
L’économiste Alphonse Ndongo met en garde contre une inflation mécanique, induite par la facilité d’arrondissement des prix. « Avec l’arrivée de la pièce de 200 FCFA, certains commerçants et transporteurs risquent d’abandonner les tarifs en dessous de ce seuil », explique-t-il. Une telle dynamique pourrait affaiblir le pouvoir d’achat des ménages, surtout dans un contexte où les populations sont déjà confrontées à une augmentation du coût de la vie. Le défi pour la BEAC sera donc d’éviter que cette réforme ne se transforme en catalyseur d’une nouvelle vague inflationniste.
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Une réforme monétaire à surveiller de près
L’initiative de la BEAC marque une avancée majeure pour la fluidité des transactions en Afrique centrale, mettant fin à une situation de pénurie de monnaie qui compliquait la vie quotidienne des citoyens. Toutefois, l’introduction de la pièce de 200 FCFA pose un véritable défi économique. Si elle facilite les échanges, elle risque aussi d’encourager des hausses de prix injustifiées, fragilisant ainsi les consommateurs les plus vulnérables.
Pour que cette modernisation monétaire soit un succès durable, il est impératif que la BEAC supervise de près l’impact de ces nouvelles pièces sur l’économie réelle et mette en place des mesures préventives contre une inflation opportuniste. Car si la réforme se veut une solution à la rareté des pièces, elle ne doit pas devenir une nouvelle source d’instabilité monétaire et sociale.
Tony A.