L’annonce de la candidature d’Umaro Sissoco Embaló pour un second mandat présidentiel en Guinée-Bissau a déclenché une vive réaction de l’opposition, qui dénonce une tentative illégale de prolongation de son pouvoir. Le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), principal mouvement d’opposition, a rejeté la décision de la Cour suprême prolongeant son mandat jusqu’au 4 septembre et conteste la tenue du scrutin présidentiel fixé au 30 novembre.
Dans un contexte marqué par des tensions institutionnelles et des ingérences politiques, cette nouvelle crise révèle les fragilités du système démocratique bissau-guinéen et remet en question le rôle de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), dont l’influence est remise en cause par l’opposition.
Le PAIGC déterminé face à un président contesté
Depuis son accession au pouvoir en 2020, Umaro Sissoco Embaló a régulièrement été accusé par ses opposants, surtout le PAIGC d’user de manœuvres pour contrôler les institutions et affaiblir ses adversaires politiques. La dissolution du Parlement en décembre 2023 avait déjà suscité de vives critiques, perçues comme une tentative d’étouffer toute contestation. Aujourd’hui, le PAIGC va plus loin en affirmant que le mandat du président a expiré depuis le 27 février, dénonçant une prolongation illégale orchestrée par une Cour suprême sous influence.
Le président du PAIGC, Domingos Simões Pereira, pointe du doigt ce qu’il considère comme une instrumentalisation de la justice pour légitimer la prolongation du mandat d’Embaló. Selon lui, la décision de la Cour suprême ne repose sur aucune base constitutionnelle solide et remet en cause le principe même de la légalité électorale. En programmant l’élection présidentielle pour novembre, soit deux mois après la fin de son mandat prolongé, Umaro Sissoco Embaló semble vouloir rester au pouvoir coûte que coûte, défiant les règles démocratiques établies.
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La Cédéao face à un dilemme politique
L’opposition portée par le PAIGC ne se limite pas à dénoncer la candidature d’Embaló. Elle a également rencontré en cause le rôle de la Cédéao, qui, selon elle, a averti les dérives du président depuis son arrivée au pouvoir. En 2020, l’organisation régionale avait validé son élection malgré les contestations. Plus récemment, elle a maintenu son soutien après la dissolution du Parlement, renforçant la position du chef de l’État.
Cependant, le refus d’Embaló de coopérer avec les médiateurs de la Cédéao, qu’il a obligé de quitter le pays, pourrait marquer un tournant. L’organisation régionale se retrouve dans une position délicate : continuer à soutenir le président sortant au risque de perdre toute crédibilité, ou revoir sa position en prenant en compte les revendications de l’opposition et des institutions législatives dissoutes. Domingos Simões Pereira appelle ainsi la Cédéao à réorienter son engagement en faveur des organes de souveraineté légitimes, notamment la Commission permanente de l’Assemblée nationale populaire, afin de trouver un enjeu à la crise actuelle.
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Un risque de déstabilisation s’accumule
Cette nouvelle crise politique en Guinée-Bissau révèle une instabilité institutionnelle qui pourrait avoir des conséquences majeures sur la gouvernance du pays. Entre un président déterminé à briguer un second mandat malgré les contestations et une opposition (PAIGC) qui refuse de reconnaître la légitimité de son maintien au pouvoir, la situation risque de dégénérer en un affrontement politique plus large, avec des répercussions sur la stabilité nationale et régionale.
La question demeure : la Cédéao, qui a jusqu’ici soutenu Umaro Sissoco Embaló, acceptera-t-elle de reconsidérer sa position face aux pressions de l’opposition et des institutions contestataires ? L’avenir politique de la Guinée-Bissau dépendra d’une grande partie des décisions qui seront prises dans les semaines à venir, alors que le pays s’enfonce dans une incertitude grandissante.
Tony A.