Un triomphe électoral… ou un test grandeur nature ? Avec 90,35 % des suffrages exprimés selon les résultats provisoires, Brice Clotaire Oligui Nguema n’a pas seulement remporté l’élection présidentielle gabonaise : il l’a dominée. Ce score, qualifié de « soviétique » par de nombreux observateurs, témoigne autant d’un soutien massif que d’un besoin impérieux de changement exprimé par une population longtemps tenue à l’écart de la scène politique. Une participation estimée à 70,4 % vient renforcer l’impression d’un plébiscite.
Mais derrière l’ivresse des chiffres se cache une réalité plus complexe. Les attentes sont immenses, et le moindre faux pas pourrait faire basculer le climat d’espoir en désillusion. Brice Oligui Nguema, porté à la tête du pays après avoir mis fin à plus de 50 ans de pouvoir Bongo, se retrouve désormais prisonnier d’une victoire trop écrasante pour ne pas susciter des soupçons ou des rancœurs. Sa déclaration post-victoire, où il affirme que « 90,35 %, c’est une preuve de leur détresse », sonne comme une tentative de cadrer cette légitimité non pas comme une gloire personnelle, mais comme un lourd mandat de redressement. Un mandat dont il devra désormais assumer les responsabilités… et les risques.
Une légitimité éclatante, mais fragile
Le premier défi d’Oligui Nguema est de transformer une victoire arithmétique en adhésion durable. Car si l’élection a été saluée par les missions d’observation internationales, certains opposants, comme Alain-Claude Billie-By-Nze, dénoncent un processus « digne de l’ancien régime ». L’absence de contestation officielle ne signifie pas l’absence de méfiance. Plus encore, le recours aux moyens de l’État, le contrôle de l’appareil administratif et le déséquilibre médiatique évoqué par le Commonwealth rappellent des pratiques dont le régime déchu était coutumier.
Le paradoxe est là : en réhabilitant certaines figures de l’ancien pouvoir dans une coalition tentaculaire, Oligui Nguema joue la carte de l’expérience… au risque de décevoir ceux qui attendaient une rupture nette. L’adhésion populaire massive pourrait se retourner contre lui si cette alliance apparaît comme une simple reconduction, sous un autre nom, d’un système honni. Pour l’instant, la promesse de stabilité et d’ordre l’emporte, mais la patience populaire n’est pas infinie.
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Une transition budgétaire sous tension
Sur le plan économique, le nouveau président hérite d’une transition coûteuse, marquée par une politique de dépenses sociales ambitieuse. Le retour à la croissance est miné par une forte dépendance au pétrole, dont les cours restent incertains. Or, la satisfaction des besoins élémentaires eau, électricité, infrastructures conditionnera la solidité du pacte entre l’État et les citoyens. L’urgence est là : rendre visible le changement dans la vie quotidienne des Gabonais.
La refondation économique promise passe aussi par une réforme de la gouvernance, une transparence budgétaire accrue, et une lutte effective contre la corruption. À défaut, même la meilleure communication politique ne suffira pas à masquer les lacunes structurelles. Le nouveau chef de l’État devra arbitrer entre attentes sociales élevées et contraintes budgétaires sévères. Le soutien populaire ne résistera pas à un échec économique trop visible.
Brice Oligui Nguema n’a plus l’excuse de la transition. Il est désormais le président élu d’un Gabon nouveau, mais toujours fragile. Sa légitimité incontestable devra maintenant s’incarner dans des réformes concrètes, une rupture assumée avec les dérives du passé et une vision claire de l’avenir. Une victoire peut flatter, mais elle peut aussi isoler. Dans un pays qui a trop espéré et trop été trahi, le vrai défi n’est pas de gagner une élection. Le vrai défi, c’est d’honorer la confiance surtout quand elle est aussi massive. C’est donc l’heure de vérité pour le général-président.
Tony A.