Au lendemain de la présidentielle du 12 octobre, le Cameroun vit au rythme des incertitudes et des tensions. À Douala, capitale économique et véritable poumon industriel du pays, les violences post-électorales ont jeté une ombre sur une cité réputée pour son dynamisme et sa résilience. Port majeur de la sous-région et moteur du commerce camerounais, Douala cristallise aujourd’hui les inquiétudes. Et si la colère de la rue venait à enrayer la machine économique nationale ?
Les scènes de protestation et les perturbations du transport urbain ont eu des répercussions immédiates sur les activités commerciales et portuaires. Si le port de Douala, qualifié de « sanctuaire » par son directeur Cyrus Ngo, a jusqu’ici tenu bon, le ralentissement observé révèle la fragilité d’un équilibre que la crise politique pourrait aisément faire basculer. Dans cette atmosphère électrique, les voix de la raison s’élèvent, appelant à la préservation d’une ville sans laquelle l’économie camerounaise serait frappée d’un véritable arrêt cardiaque.
Douala, colonne vertébrale d’un Cameroun vacillant
Douala n’est pas qu’une métropole économique. Elle est le symbole du Cameroun productif. Avec son port tentaculaire sur le fleuve Wouri, ses zones industrielles et ses entreprises innovantes, la ville incarne à elle seule près de 60 % de l’activité économique nationale. Mais cette centralité la rend vulnérable aux crises politiques. Chaque heurt, chaque manifestation, chaque blocage de transport agit comme une onde de choc sur l’ensemble du pays.
Cameroun : quand la crise post-électorale paralyse l’économie
Les premiers signes d’essoufflement sont perceptibles : difficultés d’approvisionnement, baisse temporaire des livraisons, pertes pour les PME locales déjà fragilisées par un contexte économique morose. « Nous avons observé un ralentissement parce que ceux qui opèrent au port habitent dans les quartiers », reconnaît Cyrus Ngo, qui reste cependant confiant. Une confiance fragile dans un climat où la colère sociale ne cesse de s’amplifier.
Car au-delà de la simple perturbation économique, c’est le climat social de Douala qui préoccupe. La jeunesse, en proie au chômage et au désenchantement politique, voit dans les manifestations un exutoire. Et lorsque le cœur économique du pays s’enflamme, c’est tout le corps national qui tremble.
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La ville-mamelle en quête de sérénité et de réponses concrètes
Face à ce risque d’asphyxie économique, les autorités locales appellent à la responsabilité. Le maire de la ville, Roger Mbassa Ndine, tire la sonnette d’alarme. « Nous ne pouvons pas nous permettre de détruire cette ville… Si on détruit Douala, le Cameroun retombe en arrière sur plusieurs décennies. » Un avertissement lucide, car la stabilité de Douala conditionne non seulement la croissance nationale, mais aussi la confiance des investisseurs internationaux et des partenaires régionaux.
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Pourtant, l’enjeu n’est pas seulement matériel. La crise actuelle met en lumière la nécessité d’un dialogue social et politique apaisé, fondé sur la reconnaissance des frustrations populaires. Les acteurs économiques, eux, réclament un plan d’urgence : soutien aux PME, sécurisation des zones industrielles, fluidité logistique. Sans ces réponses rapides, la défiance pourrait s’enraciner durablement et affaiblir le tissu productif camerounais.
Dans un contexte régional où les économies interconnectées dépendent des infrastructures portuaires camerounaises, tout ralentissement prolongé à Douala aurait des répercussions au-delà des frontières : sur le Tchad, la RCA, et même le Congo, dont les échanges passent largement par ce corridor stratégique. Si le port résiste encore, si les usines redémarrent timidement, il ne faudra qu’une étincelle de plus pour tout paralyser. Le Cameroun a besoin de Douala. Mais plus encore, Douala a besoin que le Cameroun retrouve la paix. Car sans sérénité politique, aucune économie ne peut respirer longtemps.
Tony A.

