Donald Trump n’a jamais cessé de faire trembler les relations internationales, même après avoir quitté la Maison-Blanche. Le 1ᵉʳ novembre, l’ancien président américain a menacé d’une intervention militaire au Nigeria, accusant Abuja de « persécuter les chrétiens » et de « fermer les yeux sur la menace jihadiste ». Une déclaration tonitruante, publiée sur les réseaux sociaux, qui a provoqué une onde de choc à Abuja et dans plusieurs chancelleries africaines.
Face à cette sortie jugée « inappropriée », la présidence nigériane a choisi la voie du calme. Par la voix d’un de ses conseillers, le président Bola Tinubu a proposé une rencontre bilatérale avec Donald Trump afin de « clarifier les positions ». Derrière cette réponse diplomatique, se joue pourtant une partie plus complexe : celle de la communication politique et des enjeux idéologiques autour de la liberté religieuse, un terrain sur lequel Trump excelle depuis longtemps.
« Persécution des chrétiens ? »
Donald Trump n’a pas inventé la rhétorique de la « persécution des chrétiens », mais il en a fait un levier d’influence redoutable. Ses propos s’inscrivent dans une logique bien connue des milieux conservateurs américains. C’est à dire utiliser la défense de la foi chrétienne comme instrument de mobilisation électorale. Aux États-Unis, la loi sur la liberté religieuse dans le monde, adoptée en 1998, oblige le gouvernement américain à surveiller et dénoncer les atteintes à la liberté de culte.
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Or, comme le souligne Blandine Chelini-Pont, professeure d’histoire contemporaine à l’Université d’Aix-Marseille, cette loi ne justifie en rien une intervention militaire. En la brandissant comme une menace, Trump déforme donc le cadre légal pour nourrir un récit politique : celui d’un sauveur des chrétiens persécutés. C’est une stratégie de communication avant tout, destinée à séduire l’électorat évangélique, particulièrement influent à l’approche de la présidentielle américaine.
Mais cette instrumentalisation n’est pas sans conséquences diplomatiques. En insinuant que les autorités nigérianes cautionnent des violences confessionnelles, surtout contre les chrétiens, Trump fragilise les efforts du pays dans la lutte contre le terrorisme et alimente un récit réducteur. Celui d’un conflit purement religieux, alors qu’il s’agit souvent de crises socio-économiques et territoriales plus complexes.
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Fermeté et diplomatie mesurée d’Abuja
La réaction du Nigeria tranche avec le ton agressif du milliardaire américain. Au lieu de la confrontation, Bola Tinubu choisit l’apaisement. En proposant une rencontre directe, il transforme une attaque verbale en opportunité diplomatique. Ce geste s’inscrit dans une stratégie pragmatique qu’est de préserver la coopération sécuritaire avec Washington, tout en réaffirmant la souveraineté nationale.
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Cette posture prudente traduit aussi une maturité politique. Le Nigeria, première puissance démographique et économique d’Afrique, sait que son image internationale dépend de sa capacité à dialoguer sans se soumettre. En évitant l’escalade, Abuja se positionne comme un acteur rationnel face aux excès d’un populisme étranger. Cependant, cette situation révèle la vulnérabilité des pays africains face aux discours idéologiques occidentaux. Une simple déclaration sur X (ancien Twitter) peut suffire à brouiller des relations diplomatiques ou à raviver des clivages internes. C’est là tout l’enjeu. Comment l’Afrique peut-elle protéger sa narration, sans se laisser dicter le ton de ses propres réalités ?
Au-delà du tumulte médiatique, l’affaire Trump–Nigeria illustre une tension croissante : celle entre la diplomatie institutionnelle et la diplomatie populiste. Le Nigeria, en appelant au dialogue, rappelle que la communication des États ne peut se réduire à des tweets enflammés. Mais cette controverse souligne aussi une vérité plus profonde. Les relations internationales se jouent désormais autant dans l’arène politique que dans l’espace numérique, où les mots deviennent des armes. Et si Donald Trump parle à ses électeurs, le Nigeria, lui, répond au monde avec la sagesse de ceux qui savent que, dans la diplomatie moderne, la retenue est parfois la plus puissante des ripostes.
Tony A.

