L’Afrique s’impose sur la scène énergétique mondiale, et le Nigeria en est la parfaite illustration. Avec l’exportation de son kérosène vers les États-Unis. La méga raffinerie Dangote, l’un des projets industriels les plus ambitieux du continent, réalise un coup de maître. Ce succès symbolise non seulement la montée en puissance du secteur privé nigérian mais aussi la capacité d’un entrepreneur africain à s’imposer sur le marché international.
Cependant, derrière cette réussite, une bataille économique se joue. Si Aliko Dangote parvient à écouler son carburant outre-Atlantique, c’est en grande partie parce que le marché local lui est partiellement fermé. La compagnie pétrolière nationale nigériane (NNPC) semble freiner son accès au marché domestique, l’obligeant à chercher des alternatives ailleurs. Ce mois-ci, 1,7 million de barils de kérosène raffinés à Lagos ont été expédiés vers les ports américains, avec une livraison supplémentaire de près de 350 000 barils prévue pour le 29 mars. Aliko Dangote a su tirer parti de l’arrêt temporaire pour maintenance de la raffinerie de Bayway, dans le New Jersey, pour s’imposer sur le marché américain. Ce paradoxe illustre les tensions entre un secteur privé en pleine expansion et un État qui peine à redéfinir son rôle dans l’industrie pétrolière.
Un conflit économique avec Dangote qui pénalise les Nigérians
La décision de la NNPC de mettre fin à l’accord « pétrole brut contre naira » a eu des répercussions directes. Désormais, Dangote doit payer ses approvisionnements en dollars, ce qui a conduit à une mesure radicale : l’arrêt de la distribution d’essence sur le marché nigérian à partir d’avril. Ce changement inquiète la population, car il risque d’aggraver la crise énergétique et d’accentuer la flambée des prix des carburants, déjà élevés dans le pays.
En s’alignant sur le marché international, la raffinerie Dangote adopte une logique purement commerciale, cherchant à maximiser ses profits en devises fortes. Or, cette stratégie met en évidence les limites du système pétrolier nigérian, où l’État, malgré ses ressources, ne parvient pas à garantir une autonomie énergétique stable à sa propre population. L’ironie du sort veut que le Nigeria, premier producteur de pétrole en Afrique, continue d’importer une partie de son carburant raffiné, pendant que l’une de ses plus grandes raffineries cherche refuge sur le marché américain.
Lire Aussi : Retour en force : Dangote relance ses investissements industriels en Éthiopie
Vers une nécessaire réforme du secteur énergétique
Cette crise laisse entrevoir l’urgence d’une réforme en profondeur du secteur pétrolier nigérian. L’État doit repenser son rôle et revoir ses relations avec les acteurs privés comme Dangote. Faut-il protéger le marché intérieur à tout prix, quitte à décourager l’investissement privé, ou au contraire, favoriser une libéralisation totale pour stimuler la concurrence et garantir des prix plus stables aux consommateurs ?
Si la raffinerie Dangote continue d’exporter massivement, le Nigeria risque de voir son marché local devenir encore plus dépendant des importations étrangères. Une situation paradoxale qui, à terme, pourrait affaiblir la souveraineté énergétique du pays. Ce qui est certain, c’est que le bras de fer entre Dangote et la NNPC ne fait que commencer, et ses répercussions dépasseront largement les frontières du Nigeria.
Tony A.