La montée de l’extrême droite lors des élections européennes du 9 juin a déclenché de vives inquiétudes quant à l’avenir des relations entre l’Europe et l’Afrique. Avec l’arrivée de figures controversées comme le Premier ministre hongrois Viktor Orban à la présidence de l’Union européenne, la dynamique de coopération entre les deux continents pourrait subir des transformations majeures.
Les acquis du sommet de Bruxelles de 2022, qui promettait une enveloppe de 150 milliards d’euros pour le développement des infrastructures africaines, sont-ils en danger ? La politique migratoire de l’UE va-t-elle se durcir ? Pour Guillaume Arditti, fondateur du cabinet de conseil Belvedere Advisory et chercheur associé à l’Institut Jacques Delors, le poids que les groupes d’extrême droite représentent au Parlement n’est pas suffisant aujourd’hui pour provoquer un changement drastique de la politique de l’Union européenne vis-à-vis du continent africain. Cependant, les craintes demeurent quant à l’influence croissante de l’extrême droite sur la scène politique européenne et ses répercussions potentielles sur les relations euro-africaines.
Une influence limitée de l’extrême droite
Malgré une montée notable de l’extrême droite en France, Guillaume Arditti souligne que le poids total des groupes d’extrême droite au Parlement européen est passé de 20% en 2019 à environ 25% en 2023. Cette augmentation, bien que significative, ne suffit pas à provoquer un changement radical dans la politique de l’Union européenne vis-à-vis de l’Afrique.
« Il sera assez difficile, dans la mesure où le poids que les groupes d’extrême droite représentent au Parlement n’est pas suffisant aujourd’hui pour provoquer un changement drastique de la politique de l’Union européenne vis-à-vis du continent africain », explique Arditti. Même avec Viktor Orban à la présidence du Conseil de l’Union européenne, cette position, limitée dans le temps à six mois, ne permet pas de surévaluer son influence potentielle. « Il ne faut pas surestimer le rôle qu’il peut jouer dans un poste qui finalement va durer six mois », ajoute-t-il.
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Les implications pour l’aide au Développement
Les engagements pris au sommet de Bruxelles en 2022, tels que l’enveloppe de 150 milliards d’euros pour l’Afrique, ne sont donc pas immédiatement menacés. Arditti estime que l’extrême droite n’a pas le poids nécessaire pour annuler ou modifier ces promesses, malgré leur rhétorique souvent critique envers l’aide internationale. La politique migratoire pourrait cependant voir des débats plus intenses, mais sans renversement de la politique actuelle.
La crise en Ukraine a renforcé la conscience de la vulnérabilité énergétique de l’Europe, incitant à diversifier ses sources d’approvisionnement. Arditti insiste sur le fait que l’Afrique du Nord, avec ses récents développements en Mauritanie, au Sénégal, et au Mozambique, présente des alternatives plus viables que d’autres régions comme les États-Unis pour répondre aux besoins énergétiques européens. « Plutôt que d’importer du gaz liquéfié des États-Unis, ça a beaucoup plus de sens de trouver des alternatives au niveau des développements en Afrique du Nord », précise-t-il.
L’Europe, cherchant à réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine, se tourne également vers l’Afrique pour des métaux critiques indispensables à la transition énergétique. Des ressources telles que le cobalt en République Démocratique du Congo, ainsi que le manganèse, le graphite, le cuivre et le nickel, sont cruciales pour la production de turbines éoliennes et de batteries pour véhicules électriques. « On réalise que les métaux critiques se trouvent très largement en Afrique », explique Arditti. « Le cobalt est souvent l’exemple le plus mis en avant avec des réserves qui sont de 70% quasiment en République démocratique du Congo. »
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Réactions politiques et perspectives futures
Les eurodéputés d’extrême droite de 12 pays, y compris le Rassemblement National en France et le Fidesz en Hongrie, ont formé le groupe Patriotes pour l’Europe, maintenant la troisième force au Parlement européen. Cependant, Arditti minimise l’impact de ce groupe, le voyant plus comme une recomposition interne qu’un véritable changement de dynamique politique.
« C’est plus une recomposition de l’extrême droite qui est en train de se faire sur une ligne de fracture d’ailleurs entre des pro-Kiev et des pro-Moscou, » observe-t-il. « L’importance qui est accordée à l’Union Patriotes et à l’influence qu’elle pourrait avoir sont un petit peu surestimées actuellement. »
Tout compte fait, la montée de l’extrême droite et la présidence d’Orban, bien que préoccupantes pour certains, ne semblent pas suffire à inverser les engagements européens envers l’Afrique. Les enjeux de souveraineté énergétique et de métaux critiques renforcent la nécessité de partenariats étroits et stratégiques avec le continent africain, au-delà des simples opportunités de croissance. La relation Europe-Afrique, bien que sujette à des défis, semble donc vouée à une coopération renforcée face aux crises globales actuelles.
Tony A.