Le 29 mars 2025, le Niger a annoncé son retrait définitif de la Force multinationale mixte (FMM), une coalition militaire chargée de lutter contre les groupes jihadistes opérant dans la région du bassin du lac Tchad. Composée de soldats du Tchad, du Cameroun, du Nigeria et du Niger, la FMM a pour mission de contrer la menace grandissante des groupes armés transfrontaliers, notamment Boko Haram. Ce retrait, bien qu’officiellement justifié par des raisons sécuritaires internes, pourrait avoir des répercussions majeures sur la stabilité régionale et sur l’efficacité de cette force multinationale.
Ce choix intervient dans un contexte de tension croissante au Niger, après plusieurs attaques meurtrières contre ses forces armées et un climat politique instable suite au coup d’État militaire de juillet 2023. Bien que Niamey ait expliqué que ce retrait vise à renforcer la protection des ressources pétrolières stratégiques du pays, en particulier dans la région de Diffa, des analystes estiment que d’autres facteurs, notamment la dégradation des relations avec certains de ses voisins, pourraient également jouer un rôle clé dans cette décision.
Sécuriser le Niger ou désengagement stratégique ?
Le principal argument avancé par Niamey pour justifier ce retrait reste la nécessité de redéployer ses forces armées sur d’autres priorités internes, notamment la sécurisation des sites pétroliers situés à la frontière avec le Nigeria. Ces installations ont été la cible d’attaques répétées de groupes armés, notamment les rebelles Toubous, qui contestent le régime actuel du Niger. La protection de ces ressources énergétiques est devenue une priorité absolue pour un pays qui dépend largement de ses exportations de pétrole vers le Bénin.
Cependant, plusieurs observateurs soulignent que ce retrait pourrait aussi être un symptôme des difficultés rencontrées par l’armée nigérienne, déjà affaiblie par de lourdes pertes humaines dans les attaques de Boko Haram. En seulement six semaines, 25 soldats ont été tués et de nombreux autres blessés, ce qui met en évidence les défis auxquels le pays est confronté pour sécuriser ses frontières et ses ressources. Ce manque de moyens et de capacités à gérer les multiples menaces pourrait expliquer la décision du Niger de concentrer ses efforts sur la sécurité intérieure, quitte à se retirer d’une mission régionale cruciale.
Lire Aussi : La taxe de l’AES : Une chance ou un risque pour les entreprises ?
Les implications pour la FMM et la lutte contre le terrorisme
Le retrait du Niger constitue un coup dur pour la FMM, qui perd l’un de ses membres fondateurs et l’un des pays les plus exposés aux menaces jihadistes dans cette zone. La FMM est d’autant plus fragile que les frontières entre les États de la région sont extrêmement poreuses, ce qui permet aux groupes jihadistes de circuler librement, rendant la lutte contre ces derniers encore plus complexe. L’absence du Niger pourrait entraîner une perte significative de coordination et d’échange d’informations sur les mouvements des jihadistes, affaiblissant ainsi l’efficacité de la force multinationale.
D’autre part, le retrait du Niger pourrait accroître les tensions au sein de l’alliance régionale, notamment avec le Nigeria, un autre membre clé de la FMM. Le Niger pourrait aussi se retrouver isolé dans la lutte contre les groupes armés, alors que la région du bassin du lac Tchad est un foyer majeur de radicalisation et d’activités terroristes. La coopération régionale serait dès lors mise à l’épreuve, et le risque de fragmentation de la stratégie antiterroriste dans la région serait renforcé.
Lire Aussi : Niger : Tiani s’ancre au pouvoir avec l’aval des assises nationales
En conclusion, le retrait du Niger de la FMM représente un tournant dans la lutte contre le terrorisme dans la région du bassin du lac Tchad. Si la priorité donnée à la sécurisation des ressources pétrolières et à la gestion de la menace intérieure est compréhensible, cette décision risque de fragiliser les efforts multinationaux pour contrer les groupes jihadistes. La fin de la coopération active entre le Niger et ses voisins dans ce cadre pourrait non seulement ralentir les avancées contre le terrorisme mais aussi exacerber les tensions politiques et militaires dans cette région déjà instable. Le Niger, en se retirant de cette force, prend un pari risqué qui pourrait se traduire par un affaiblissement de sa position géopolitique et sécuritaire à long terme.
Tony A.