Marine Le Pen, cheffe de file du Rassemblement National (RN), a effectué une visite officielle de trois jours au Tchad, marquée par une rencontre avec le président Mahamat Idriss Déby et un passage à l’Assemblée nationale. Ce déplacement intervient dans un contexte de refroidissement des relations entre Paris et N’Djamena, après la rupture des accords de coopération militaire entre les deux pays.
Dans son discours devant le Parlement tchadien, Marine Le Pen a insisté sur la nécessité de préserver l’amitié franco-tchadienne, malgré les tensions récentes. « Lorsque l’on est amis depuis 200 ans, un froid peut être assez facilement surmonté », a-t-elle déclaré, suggérant que la diplomatie parlementaire pourrait jouer un rôle clé dans la reconstruction de ces liens. Cette prise de position tranche avec l’approche plus distante adoptée par le gouvernement français vis-à-vis des nouvelles autorités tchadiennes, illustrant une volonté du RN d’affirmer son influence en Afrique, notamment dans l’espace francophone.
Un repositionnement stratégique de Marine Le Pen en Afrique ?
Toutefois, l’accueil particulièrement chaleureux réservé à la députée d’extrême droite a suscité des interrogations et des critiques au sein de la classe politique tchadienne. Pour Max Kemkoye, président du groupe d’opposition Gcap, ce protocole « inédit et incongru » interroge sur la posture du pouvoir en place, qui se revendique de la social-démocratie, aux antipodes des idéaux du RN.
Cette visite ne se limite pas à une simple démarche parlementaire : elle illustre une stratégie plus large du Rassemblement National, qui cherche à se positionner comme un acteur clé des relations franco-africaines. Marine Le Pen, dont le parti prône habituellement une rupture avec la Françafrique et un repli nationaliste, semble adopter une posture plus nuancée, en mettant en avant la « coopération » et l’amitié entre la France et ses anciens partenaires africains.
Le Tchad, pivot stratégique au Sahel, reste un allié incontournable pour la stabilité régionale. En dépit de la fin des accords militaires avec la France, les autorités tchadiennes n’ont pas coupé les ponts avec Paris. Ali Kolotou Tchaïmi, président de l’Assemblée nationale, a rappelé que cette rupture ne signifiait pas un arrêt total de la coopération. Ce positionnement laisse penser que N’Djamena reste ouverte à des discussions bilatérales avec d’autres figures de la scène politique française, au-delà du gouvernement actuel.
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Une diplomatie alternative en construction
Cependant, cette manœuvre de Marine Le Pen pourrait être perçue comme une tentative de contournement des canaux diplomatiques traditionnels, en s’appuyant sur des relations interpersonnelles et parlementaires. Une stratégie qui peut s’avérer payante à long terme, notamment en vue des échéances électorales françaises, où la question des relations avec l’Afrique reste un enjeu majeur.
D’un côté, l’accueil réservé à Marine Le Pen au Tchad témoigne de la volonté des autorités tchadiennes de maintenir des liens avec la France, indépendamment du gouvernement en place à Paris. De l’autre, il révèle l’ambition du RN de s’imposer comme un interlocuteur légitime auprès des États africains, en capitalisant sur le désengagement progressif de la France sous Emmanuel Macron.
Cette visite s’inscrit dans un contexte plus large de reconfiguration des relations franco-africaines. L’Afrique, longtemps considérée comme un terrain d’influence exclusif de l’État français, devient désormais un espace de concurrence entre différentes forces politiques françaises. Reste à voir si cette approche alternative du RN trouvera un écho auprès des dirigeants africains et si elle pourra véritablement remodeler les relations franco-tchadiennes dans les années à venir.
Tony A.

