Les promesses politiques n’engagent que ceux qui y croient… Hier, des pays ont été séduits par de grands discours, des alliances diplomatiques forgées sous couvert de protection, mais lorsque la conjoncture change, ces engagements s’évaporent. L’Afrique a déjà trop souvent payé le prix de sa naïveté dans l’histoire. Cette fois-ci, les jeunes Africains doivent prendre les rênes de leur destin et s’imposer comme des acteurs du changement.
L’ordre mondial est en pleine mutation. Des alliances qui semblaient indéfectibles s’effondrent, pendant que d’anciens ennemis se tendent la main. L’exemple de l’Ukraine est une leçon brutale : après des promesses d’aide militaire et économique, le pays se retrouve affaibli, endetté et contraint de revoir ses ambitions. L’Afrique, elle, se tient à un carrefour stratégique. La question n’est plus de savoir si elle sera impactée, mais comment elle choisira de réagir.
Nos dirigeants doivent comprendre que les intérêts nationaux priment sur toute forme d’amitié diplomatique. Aucune alliance n’est éternelle et les promesses d’hier ne sont que du vent si elles ne sont pas soutenues par une véritable stratégie d’autonomie. La jeunesse africaine doit refuser d’être le jouet de la géopolitique mondiale et se positionner comme un acteur clé du XXIe siècle.
L’Afrique face aux soubresauts diplomatiques : une éternelle victime ?
Depuis la colonisation jusqu’aux indépendances, en passant par les décennies de coopération sous influence, le continent africain a été le théâtre de nombreuses promesses non tenues. Les puissances coloniales avaient affirmé vouloir accompagner les peuples africains vers la modernité, mais l’exploitation des ressources et la mainmise sur les économies locales ont perduré bien au-delà des indépendances proclamées.
L’exemple de la Libye est frappant. En 2011, les interventions militaires menées au nom de la démocratie ont entraîné l’effondrement de l’État, laissant place au chaos et au trafic d’êtres humains. L’Irak, la Syrie, l’Afghanistan ont connu des destins similaires. À chaque fois, les discours étaient les mêmes : offrir une meilleure gouvernance, protéger les populations, garantir un avenir stable. À chaque fois, le résultat fut l’inverse : instabilité chronique, conflits interminables, populations déplacées.
Aujourd’hui encore, les relations entre l’Afrique et le reste du monde restent marquées par un déséquilibre profond. Lorsque certains chefs d’État africains décident de réorienter leur diplomatie et de diversifier leurs partenariats, les réactions sont vives. Des pressions économiques, des menaces voilées, des manipulations médiatiques cherchent à maintenir un certain ordre établi. Pourtant, une chose est claire : aucune puissance ne viendra défendre les intérêts africains à la place des Africains eux-mêmes.
L’enjeu des ressources et du poids démographique
L’Afrique détient des ressources stratégiques qui la placent au cœur des convoitises mondiales. Ses terres regorgent de minerais indispensables aux industries modernes, notamment le cobalt et le lithium, qui sont essentiels pour la transition énergétique et la production de technologies de pointe. Ses vastes surfaces agricoles représentent une solution à l’insécurité alimentaire qui menace de nombreux pays.
Mais l’atout majeur du continent réside dans sa jeunesse. Avec une population qui dépassera les 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050, l’Afrique est le seul continent dont la démographie représente une force pour l’avenir. Cette jeunesse, dynamique et connectée, doit prendre conscience de son rôle et de son pouvoir. Trop souvent, les décisions ont été prises sans elle. Trop longtemps, elle a subi des choix imposés par d’autres.
La nécessité d’un narratif africain
Alain Foka le rappelle souvent : tant que l’Afrique ne racontera pas sa propre histoire, d’autres le feront à sa place. Et ces récits biaisés la cantonneront toujours au rôle de continent en crise, d’espace à exploiter, de population à civiliser. L’image de l’Afrique dans le monde est encore largement façonnée par des prismes extérieurs. Le continent est souvent présenté sous l’angle des crises, des conflits et de la pauvreté. Cette vision biaisée, entretenue par certains médias et think tanks internationaux, sert des intérêts précis. Tant que l’Afrique restera perçue comme un territoire en crise, elle sera considérée comme un terrain d’intervention, et non comme un partenaire à part entière.
Les Africains doivent imposer leur propre narratif. Cela passe par la valorisation de leur culture, de leur histoire et de leurs réussites. Il ne s’agit pas de nier les défis existants, mais de refuser que l’Afrique soit réduite à ses difficultés. Les succès économiques, les avancées technologiques, les initiatives locales doivent être mis en avant.
Les plateformes médiatiques africaines ont un rôle clé à jouer. Trop souvent, les sources d’information sur l’Afrique proviennent de l’extérieur. La dépendance aux analyses et aux perspectives étrangères doit cesser. Il est essentiel de créer et de renforcer des médias africains capables d’offrir une lecture lucide et objective des réalités du continent.
Quelle posture pour les dirigeants africains ?
Les bouleversements géopolitiques actuels offrent à l’Afrique une opportunité inédite de redéfinir sa place dans le monde. Avec l’émergence d’un ordre multipolaire, les anciennes puissances occidentales ne sont plus les seules à dicter les règles du jeu. La montée en puissance de pays comme la Chine, l’Inde, la Russie ou encore la Turquie ouvre de nouvelles perspectives.
Les dirigeants africains doivent adopter une diplomatie pragmatique. Il ne s’agit plus de s’aligner aveuglément sur une puissance, mais de négocier avec tous les acteurs en fonction des intérêts du continent. La diversification des partenaires doit aller de pair avec une stratégie claire : obtenir des conditions équitables dans les accords économiques, protéger les ressources stratégiques et renforcer l’indépendance militaire et technologique.
L’indépendance réelle ne se proclame pas, elle se construit. Il ne suffit pas de dénoncer l’ingérence étrangère ; il faut créer les conditions d’une autonomie durable. Cela implique d’investir massivement dans l’éducation, l’innovation, les infrastructures et la gouvernance.
L’Afrique au tournant : agir plutôt que subir
Les erreurs du passé ne doivent pas se répéter. Les générations précédentes ont parfois cru aux promesses sans exiger de garanties. Elles ont trop souvent laissé faire, par méconnaissance ou par résignation. Aujourd’hui, la situation est différente. L’information est accessible, les enjeux sont clairs, les leçons de l’histoire sont connues.
Les jeunes Africains ont un rôle crucial à jouer. Ils doivent s’approprier les débats économiques et géopolitiques, comprendre les dynamiques qui façonnent le monde et refuser d’être relégués au rang de simples spectateurs. L’action doit être collective. Trop souvent, l’Afrique a été divisée, affaiblie par des conflits internes et des luttes intestines qui ont profité à d’autres. Il est temps d’inverser cette tendance et d’œuvrer pour une véritable unité stratégique.
L’avenir appartient à ceux qui s’en saisissent. Les grandes puissances ne font jamais de cadeaux. Elles défendent leurs intérêts, ajustent leurs alliances en fonction des circonstances et abandonnent leurs partenaires lorsque cela devient nécessaire. Ce constat doit être intégré dans la réflexion africaine. L’Afrique ne doit plus être dupe des discours enjôleurs ni prisonnière de relations déséquilibrées.
La jeunesse africaine, consciente des enjeux, doit imposer ses propres règles du jeu. Elle ne doit pas seulement revendiquer un avenir meilleur, mais le construire avec détermination et lucidité. Cette fois-ci, l’Afrique est prévenue. Elle sait ce qui est en jeu. Elle ne doit pas rater le virage de l’histoire.
Steven Edoé WILSON