La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, s’apprête à fixer le prix garanti du kilo de fèves pour la récolte intermédiaire qui s’étend d’avril à juillet. Mais cette annonce intervient dans un contexte particulièrement incertain pour le secteur. Après une récolte principale en forte baisse en raison du vieillissement des plantations et des aléas climatiques, la filière cacao peine à retrouver son niveau d’antan.
Même si l’Organisation internationale du cacao (ICCO) observe une hausse des volumes livrés dans les ports ivoiriens, les estimations divergent. Le Conseil Café Cacao (CCC) pour sa part reste prudent et redoute une production inférieure à 1,7 million de tonnes. Cette situation qui complique les stratégies des acteurs du marché.
Une prudence accrue des industriels et une filière fragilisée
La petite récolte ivoirienne, pourtant essentielle pour assurer un approvisionnement régulier en fèves, ne suscite pas l’engouement des industriels. À ce jour, seulement la moitié de la production a été vendue à l’avance, tandis que le reste peine à trouver preneur. Cette frilosité des multinationales s’explique par plusieurs facteurs : d’une part, les entreprises réduisent leurs stocks par crainte d’un ralentissement du marché, et d’autre part, elles attendent une baisse des prix avant de finaliser leurs achats.
En réaction, le CCC a adressé un rappel ferme aux acheteurs, leur signalant que les volumes qui leur sont théoriquement réservés pourraient être cédés à des négociants si les engagements ne sont pas respectés. Cette situation met en lumière une crise de confiance entre les producteurs africains et les géants du chocolat, une problématique qui dépasse largement les frontières ivoiriennes.
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Les implications pour l’Afrique et la stratégie de commercialisation à revoir
Les incertitudes pesant sur la filière cacao ivoirienne résonnent à l’échelle du continent. Le Ghana, autre grand producteur, est confronté aux mêmes difficultés de baisse de rendement et de volatilité des prix. Cette situation remet en question la viabilité du modèle de ventes par anticipation, qui permet normalement aux pays producteurs d’obtenir une meilleure visibilité financière.
Habituellement, près de 80 % de la récolte est vendue en amont à un prix fixe, mais face aux défis de production, le CCC adopte une approche plus prudente, ne libérant qu’une fraction des volumes pour tester le marché. La crainte d’un nouveau déficit, comme celui de l’année dernière où 80 000 tonnes de cacao avaient été promises en trop, pousse les autorités à revoir leur stratégie.
La crise actuelle met en évidence la nécessité pour la Côte d’Ivoire et les autres producteurs africains de repenser leur position sur le marché mondial. Face à la spéculation des multinationales et aux fluctuations de la demande, la diversification des débouchés et une transformation accrue des fèves localement pourraient être des solutions à explorer. Par ailleurs, la question de la durabilité des plantations et de l’adaptation au changement climatique devient centrale. Pour l’Afrique, qui fournit plus de 70 % du cacao mondial, l’heure est à l’action pour éviter que cette matière première stratégique ne devienne une source d’instabilité économique. L’évolution des prochains mois sera déterminante pour l’avenir de la filière et son poids dans l’économie africaine.
Sandrine A.