En Afrique la mousson subsaharienne des coups d’État continue de faire son petit bout de chemin. Et cette fois ci, après le Niger, c’est au régime d’Ali Bongo d’en faire les frais après l’annonce des résultats des récentes élections couplées. A examiner de plus près les événements tumultueux qui secouent actuellement le Gabon, une question fondamentale se profile : la tentative de coup d’État en cours marque-t-elle la fin d’une ère pour la dynastie Bongo ?
L’histoire politique du Gabon, marquée par la longue présence des Bongo au pouvoir, est en train de prendre un tournant incertain. Alors que le pays a été le théâtre d’une tentative de renversement dramatique, les spéculations affluent quant à l’avenir de cette famille qui a dominé la scène politique gabonaise pendant des décennies. Les Bongo maintiendront-ils leur emprise ou assistons-nous aux prémices d’un changement de cap historique pour le Gabon ?
Un putsch prévisible contre Bongo
Pour bon nombre d’analystes politiques, l’annulation des élections et la dissolution des institutions de la République et surtout l’annonce de la fin du régime Bongo, n’a pas de quoi surprendre réellement. Car tout ce scenario était prévisible depuis un bon moment déjà. D’abord un premier coup d’État avait été avorté en janvier 2019. À l’époque, des soldats mutins avaient invoqué l’état de santé d’Ali Bongo, frappé l’année précédente par un AVC, pour prendre, très brièvement d’ailleurs, le contrôle de Radio Gabon, et lancer un appel au soulèvement. Mais tout cela avait viré très vite au fiasco.
Aussi, la dégradation du climat politique durant le récent processus électoral a renforcé certainement dans l’esprit des militaires putschistes l’idée d’une éviction certaine des Bongo du pouvoir. Il s’agit entre autres de l’interdiction pour les missions d’observateurs d’opérer, la coupure d’internet pendant des jours, le couvre-feu instauré, et la réduction des médias eux-mêmes réduits au silence.
« En Afrique centrale […], on est plus dans l’épuisement d’un modèle politique qui a été régenté, et d’ailleurs dévoyé par des dynasties familiales et claniques. Vous avez le Gabon, vous avez le cas du Congo-Brazzaville, vous avez le Cameroun où Paul Biya est aux manettes depuis 1982. Tout ça évidement est une usure qui, en plus, est amplifiée par la fragilité des institutions démocratiques, un modèle d’ailleurs électoral qui a été discrédité amplement par la fraude, la corruption, les achats de conscience, etc. », explique Vincent Hugeux, journaliste spécialiste de l’Afrique.
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Un avenir encore incertain pour les Bongo
Les événements liés à la tentative de coup d’État au Gabon induisent des implications majeures pour l’avenir politique de la famille Bongo, ainsi que pour le pays dans son ensemble. Depuis sa résidence surveillée le président renversé Ali Bongo a appelé les populations et partenaires internationaux au soulèvement contre les militaires conduit par le général Brice Oligui Nguema, désigné président de la transition au Gabon.
« Je voudrais envoyer un message à tous nos amis que nous avons partout dans le monde. Je leur demande de manifester contre ces personnes qui m’ont arrêté moi et ma famille, mon fils, ma femme… Actuellement je suis en résidence surveillée et je ne sais pas ce qui se passe. Donc Je vous appelle vivement à vous opposer vivement contre ces personnes qui m’ont séquestré », a-t-il affirmé dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux.
Du côté des populations, il est plus qu’évident que cet appel à manifestation ne puisse trouver écho favorable, vu que tôt le matin les habitants sont sortis massivement dans les rues pour manifester leurs pleins soutiens aux militaires. « Le peuple est enfin libéré, le Gabon est enfin libre pouvait-on entendre de la bouche des habitants ». Tout pourrait porter à croire qu’une chasse aux sorcières pourrait être livrée aux membres et aux proches du régime Bongo. D’autant plus que les militaires ont déjà annoncé l’arrestation de l’un des fils d’Ali Bongo pour « haute trahison » Pour le moment, une incertitude politique règne encore dans le pays.
La chute des Bongo pourrait ouvrir la porte à une période de réformes démocratiques et à la construction d’institutions politiques plus inclusives. Les forces politiques émergentes pourraient saisir l’occasion pour établir un système politique plus représentatif et responsabilisant. En somme, la perte de pouvoir de la famille Bongo pourrait ouvrir un nouveau chapitre pour le Gabon, offrant à la fois des opportunités et des défis majeurs. La manière dont la transition est gérée et les choix faits par les nouveaux dirigeants joueront un rôle crucial dans la détermination de l’avenir du pays et de la région.
Tony A.