Depuis la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse », le Sénégal est en ébullition. Le pays du président Macky Sall connait une instabilité animée par des violences exacerbées dans les rues de Dakar et autres villes du pays. Dans ce sillage de tensions, les différents camps politiques se renvoient la responsabilité de ces évènements dramatiques.
Selon le dernier bilan officiel, seize personnes ont été tuées. On note également plus de 350 blessés, selon la Croix-Rouge, et quelques 500 arrestations. Ce lundi 5 juin 2023, un calme précaire semble régner dans la capitale après les violences enregistrées ces derniers jours. Toutefois, la ville tourne au ralenti. Pour l’heure, c’est le statu quo. Cependant les craintes de revivre les évènements de mars 2021 hantent les esprits, surtout en cas d’éventuelle arrestation d’Ousmane Sonko. « Une condamnation pénale doit être exécutée », disait le ministre de la Justice après le verdict. L’opposant Sonko va-t- il pouvoir prendre part aux prochaines échéances électorales ? Le président Macky Sall va-t-il calmer le jeu en mettant fin à l’ambiguïté d’un troisième mandat ?
Un basculement dans la violence
D’après le chercheur Paul-Simon Handy qui dirige le bureau de l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, à Addis-Abeba, en Éthiopie, pour sortir de la crise qui ensanglante ce pays, il serait nécessaire de faire participer Ousmane Sonko aux prochaines élections. Car il n’y aurait pas d’apaisement tant qu’Ousmane Sonko restera exclu de la présidentielle de février prochain.
« En effet, tout scénario qui exclurait le candidat Sonko serait porteur de violence. Ça semble clair », a indiqué Paul-Simon Handy. Et d’expliquer, « je pense que chaque camp est convaincu d’avoir raison et que cela illustre la profondeur de la crise et du caractère plutôt radical, je dirais même extrémiste, des différentes positions. On a deux scénarios probables. Le premier est qu’on peut s’asseoir autour d’une table et discuter, mais certainement pas dans les conditions qui sont celles du dialogue qui a été lancé récemment par le gouvernement. Le second, c’est l’hypothèse de l’arrestation d’Ousmane Sonko, qui constituerait un échec de cette discussion. Le positionnement des uns et des autres peut être très dangereux parce que le basculement dans la violence peut avoir des conséquences imprévisibles et conduire à des troubles encore plus profonds. »
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Le président Macky Sall doit mettre fin au suspens
Selon le chercheur, pour véritablement apaiser les tensions au Sénégal, il serait judicieux pour le président Macky Sall de sortir de l’ambiguïté sur la question du troisième mandat. Cela ferait baisser la tension d’un cran et rassurerait davantage les sénégalais qui sont prêts à tout pour l’empêcher de rester au pouvoir. Car la situation explosive actuelle du pays relève de cette ambiguïté sur la question du troisième mandat, combinée à la perception d’une instrumentalisation de la justice contre Ousmane Sonko.
« M. le président de la République, vous avez la clé aujourd’hui de la sortie de crise de ce pays. Je vous demanderai, M. le président Macky Sall, d’évacuer cette question concernant cette volonté qui vous est prêtée de vouloir briguer un troisième mandat. Je vous invite à prendre vos responsabilités et à vous adresser au peuple sénégalais. Vous n’avez pas le droit d’éliminer des adversaires politiques. Ne bousillons pas ce pays », a exhorté, il y a quelques jours le maire de Dakar, Barthelemy Dias.
Dans les jours à venir, estime également que plusieurs scenarios sont prévisibles car l’ambiguïté du président Macky Sall, dans tous les cas, ne contribue pas à apaiser la situation. Aussi, la disqualification potentielle d’Ousmane Sonko aurait produit des effets similaires, même en l’absence de candidature.
« Je vois trois scénarios possibles : une élimination d’Ousmane Sonko et une présentation du président Macky Sall pour une troisième candidature, tout en réhabilitant, pour apaiser un peu les tensions, Karim Wade et Khalifa Sall. Ça c’est le premier. Le deuxième : une élimination d’Ousmane Sonko, une réhabilitation de Karim Wade et de Khalifa Sall, mais Macky Sall ne se présenterait pas. Le troisième : toujours l’élimination d’Ousmane Sonko, la non-réhabilitation de Karim Wade et Khalifa Sall, et puis la candidature du président Macky Sall. Je vois, dans ces trois scénarios qui éliminent le candidat Sonko, les germes d’une explosion sociale claire. Donc, tout scénario qui exclurait Ousmane Sonko conduirait à une explosion sociale aux conséquences inattendues. »
Tony A.