Le Gabon se trouve à un tournant délicat de sa transition politique. Ce 8 janvier, quatre figures politiques majeures, autrefois adversaires et aujourd’hui unies par une cause commune, ont frontalement interpellé le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI). Albert Ondo Ossa, Alain-Claude Bilie-By-Nze, Pierre-Claver Maganga Moussavou, et Ali Akbar Onanga Y’Obégué dénoncent ce qu’ils qualifient de « dérive unilatérale » des militaires au pouvoir.
Ils réclament avec fermeté l’exclusion des militaires des élections et un retour à l’ordre constitutionnel de 1991. Ces prises de position interviennent alors que le général Brice Clotaire Oligui Nguema, président de transition, est de plus en plus sensible pour sa gestion des quinze mois écoulés depuis le coup d’État d’août 2023. Si le CTRI justifie son contrôle prolongé par la nécessité de stabiliser le pays, ses détracteurs y voient une tentative de militarisation à long terme du paysage politique.
Une contestation qui ébranle la transition
Les quatre opposants, qui ont tenu une conférence de presse conjointe, évoquant ce qu’ils perçoivent comme une rupture des engagements initiaux pris par le CTRI. Parmi leurs revendications phares : le retour des militaires dans les casernes à la fin de la transition, une interdiction explicite pour eux de se présenter aux élections, et la refonte complète du Code électoral. Ils dénoncent également l’opacité du processus électoral en cours, craignant une manipulation favorable aux militaires.
Ces critiques marquent une escalade dans la tension politique. Les accusations d’Albert Ondo Ossa, qui affirme détenir les véritables résultats de la présidentielle d’août 2023, remettent en question la légitimité même du coup d’État qui a renversé Ali Bongo. De son côté, Alain-Claude Bilie-By-Nze dénonce la « rente mémorielle anti-PDG » exploitée par le CTRI, insinuant que le discours de rupture avec l’ancien régime ne suffit plus à justifier l’absence de progrès démocratique.
Lire Aussi : Elections présidentielles et législatives en Afrique: voici les pays qui iront aux urnes en 2025
Le poids des militaires dans le débat démocratique
Le débat ne se limite pas à la scène politique. Le Cercle de réflexion populaire sur la transition politique, dirigé par Eric Simon Zue, a défendu avec vigueur le droit du général Oligui Nguema à se présenter en tant que citoyen libre. Ce point de vue reflète une fracture dans l’opinion publique gabonaise : certains voient en Oligui un garant de stabilité, tandis que d’autres perçoivent sa présence comme un obstacle à une transition véritablement démocratique.
L’hostilité croissante entre civils et militaires menace de polariser davantage le pays. La mise en œuvre d’un Code électoral transparent sera cruciale pour rétablir la confiance dans le processus électoral. Cependant, le refus de Brice Oligui Nguema de clarifier son rôle futur pourrait alimenter les soupçons d’une mainmise militaire durable sur le pouvoir durant cette transition politique.
Lire Aussi : N’Djamena : attaque armée signalée près du palais présidentiel
Une transition politique à un carrefour critique
Cette montée au créneau des figures de l’opposition marque une étape décisive dans la transition politique gabonaise. Si leurs revendications trouvent un écho populaire, elles pourraient forcer le CTRI à accélérer le processus de transfert du pouvoir aux civils. À l’inverse, une réponse musclée des militaires risquerait de replonger le Gabon dans une instabilité profonde.
Le Gabon est donc à un moment charnière, où se joue l’avenir de son système politique. Les semaines à venir, notamment avec le débat sur le Code électoral, seront déterminantes pour définir si le pays peut réellement émerger comme un modèle de transition politique pacifique en Afrique ou s’il s’enfoncera dans des luttes intestines prolongées.
Les revendications de l’opposition, combinées aux critiques croissantes contre la gestion militaire, rappellent que la crédibilité de cette transition dépendra de sa capacité à tenir ses promesses. Le retour à une gouvernance civile et démocratique est attendu avec impatience par une population lassée des incertitudes politiques. À défaut, le Gabon pourrait s’enliser dans une crise de légitimité aux conséquences imprévisibles.
Tony A.