Alors que le Sénégal entame une nouvelle ère politique portée par le duo Bassirou Diomaye Faye – Ousmane Sonko, le pays doit simultanément relever un défi majeur : restaurer la confiance de ses partenaires financiers, au premier rang desquels figure le Fonds monétaire international (FMI). L’institution financière internationale, bien qu’ouverte à la reprise de sa coopération avec Dakar, exige que toute la lumière soit faite sur l’affaire dite de la « dette cachée » révélée par la Cour des comptes en septembre dernier, estimée à 7 milliards de francs CFA.
La visite, lundi 7 et mardi 8 avril, d’une délégation du FMI conduite par son directeur Afrique, Abebe Aemro Selassie, a certes permis des échanges « constructifs », mais n’a pas levé les incertitudes qui planent sur un éventuel nouveau programme d’aide. En clair, le FMI garde sa position : pas de soutien supplémentaire sans clarification complète des comptes publics.
Dette cachée : un lourd passif à assumer
Le dossier de la « dette cachée » agit comme une ombre persistante sur la crédibilité financière de l’État sénégalais. Les révélations de la Cour des comptes en septembre 2023 ont mis en évidence des pratiques de gestion budgétaire contestables, voire frauduleuses, que la nouvelle administration souhaite désormais corriger. En mettant au jour ces irrégularités, le Sénégal s’est exposé à un gel partiel de ses soutiens financiers internationaux, notamment du FMI, qui avait suspendu son précédent programme d’appui.
Aujourd’hui, le nouveau pouvoir affiche une volonté assumée de transparence. Le Premier ministre Ousmane Sonko est attendu ce jeudi 10 avril à l’Assemblée nationale pour présenter les premières mesures d’assainissement. Ces gestes s’inscrivent dans une stratégie de rupture vis-à-vis des anciennes pratiques, mais également dans une tentative de restaurer l’image du pays sur la scène financière internationale. Outre le FMI, c’est la perception globale du Sénégal par les investisseurs étrangers et partenaires au développement qui est en jeu.
Lire Aussi : Dette cachée au Sénégal : une fraude à 7 milliards ébranle l’économie
Le FMI, partenaire ou garde-fou ?
En maintenant la pression sur Dakar, le FMI rappelle son rôle ambivalent : à la fois soutien indispensable pour nombre de pays du Sud, et vigie inflexible lorsqu’il s’agit de bonne gouvernance économique. Cette posture vise à encourager des réformes structurelles durables, mais elle peut aussi être perçue comme un frein à l’autonomie budgétaire et politique d’un pays fraîchement dirigé par des figures de rupture.
Toutefois, la présidence sénégalaise a affirmé être engagée dans ce processus d’assainissement « avec ou sans le FMI », soulignant ainsi son intention d’inscrire la transparence comme ligne de conduite intrinsèque, et non comme exigence extérieure. Reste à savoir si cette posture sera suffisante pour convaincre les bailleurs internationaux lors des prochaines discussions à Washington, au siège du FMI et de la Banque mondiale.
Le bras de fer entre le Sénégal et le FMI est plus qu’un simple différend technique sur des chiffres. Il s’agit d’un test grandeur nature pour la nouvelle administration, appelée à concilier ambition de souveraineté, volonté de rupture avec le passé, et nécessité de maintenir des alliances financières solides. Dans cette équation complexe, la transparence ne sera pas seulement un gage de respectabilité : elle pourrait bien être le levier qui conditionnera la capacité du pays à relancer sa dynamique économique tout en gardant le cap de ses promesses de changement.
Tony A.