Les Pays-Bas s’apprêtent à restituer au Nigeria 113 bronzes du Bénin, pillés en 1897 par les troupes britanniques lors de l’expédition punitive contre le royaume du Bénin. Ces œuvres d’une grande valeur historique et culturelle avaient ensuite été dispersées à travers l’Europe, notamment aux enchères, avant d’atterrir dans des musées néerlandais, dont celui de Leyde. Cette restitution, qui devrait voir les premières pièces arriver à Lagos avant la fin de l’année, marque une majeure avancée dans la reconnaissance des pillages coloniaux et le retour des trésors africains à leur pays d’origine.
Pour le peuple Edo, ces bronzes ne sont pas de simples objets d’art, mais des témoins vivants de leur histoire, de leur spiritualité et de leur organisation politique. Leur rapatriement ne répond donc pas uniquement à une exigence muséale, mais aussi à une volonté de réappropriation identitaire. C’est une première étape, mais le chemin reste long : des centaines d’autres bronzes du Bénin sont toujours conservés dans des collections européennes et nord-américaines, notamment au British Museum.
Les bronzes du Bénin, un tournant dans la politique de restitution
Cette restitution s’inscrit dans une dynamique plus large amorcée par plusieurs pays européens, à la suite du rapport commandé par le président français Emmanuel Macron en 2018 sur la restitution des œuvres africaines. Aux Pays-Bas, la politique de restitution des bronzes du Bénin a réellement pris forme en 2020, avec un travail d’identification rigoureuse des œuvres d’origine coloniale présentes dans les musées du pays. La Haye ne se limite pas à restituer ces pièces, mais propose également un accompagnement dans la conservation du patrimoine, illustrant une volonté de collaboration plutôt que de simple réparation.
Toutefois, cette politique soulève encore des débats. Certains conservateurs s’inquiètent du devenir des œuvres une fois restituées : le Nigeria dispose-t-il des infrastructures nécessaires pour les préserver dans les meilleures conditions ? En réponse, le pays prévoit l’ouverture du musée du Bénin à Benin City, un projet soutenu par des institutions internationales, afin d’accueillir dignement ces trésors retrouvés.
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Vers une prise de conscience généralisée ?
Cette restitution néerlandaise pourrait faire boule de neige et inciter d’autres nations à emboîter le pas. En Allemagne, la restitution des bronzes du Bénin a déjà commencé, et en France, plusieurs œuvres ont été rendues au Bénin et au Sénégal. Le Royaume-Uni, principal responsable du pillage de 1897, reste cependant réticent à un retour massif des bronzes encore conservés au British Museum, arguant de la nécessité de les rendre accessibles à un public international.
Le combat pour la restitution ne se limite pas aux bronzes du Bénin. D’autres trésors africains, comme le trône du roi Béhanzin du Dahomey ou les sculptures sacrées du Mali, font l’objet de revendications de la part de leurs pays d’origine. Le mouvement en faveur du retour des œuvres pillées gagne du terrain, et la décision des Pays-Bas pourrait renforcer cette dynamique, en posant une question centrale : la restitution des biens culturels africains est-elle un acte de justice historique ou une nouvelle forme de diplomatie culturelle ?
Quoi qu’il en soit, le retour des bronzes du Bénin au Nigeria constitue une victoire symbolique pour la reconnaissance des injustices du passé. Reste à voir si cet élan aboutira à une restitution plus large et systématique des trésors africains dispersés à travers le monde.
Tony A.