Depuis l’adoption du nouveau code minier malien en 2024, le paysage des relations entre l’État et les compagnies extractives internationales s’est transformé. L’affaire opposant Barrick Gold, géant canadien de l’or, au gouvernement malien en est l’illustration la plus spectaculaire. Si un premier versement de 85 millions de dollars a été effectué par la compagnie, la crise semble loin d’être désamorcée. Entre fermetures de bureaux, menaces sur la mine de Loulo-Gounkoto, et désormais arbitrage international, ce conflit expose les lignes de tension entre souveraineté économique et sécurité juridique des investisseurs.
L’enjeu dépasse largement une simple dette fiscale. C’est une épreuve de force à la croisée de la géopolitique des ressources, de la recomposition des règles extractives en Afrique et de la posture nouvelle que prennent certains États du Sud face aux multinationales. En choisissant de porter le litige devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), Barrick Gold engage un duel juridique de longue haleine, qui pourrait redéfinir les rapports de force entre capital privé et États africains en quête de meilleures rentes minières.
Le nouveau code minier, arme à double tranchant pour Barrick Gold ?
Le Mali a revu son code minier dans un contexte de forte pression budgétaire, de revendications sociales et de volonté de reprendre le contrôle de ses ressources. Ce cadre législatif vise à maximiser les revenus de l’État, souvent considérés comme trop faibles au regard des profits générés par les multinationales. La demande d’arriérés fiscaux à l’endroit de Barrick Gold en est une application directe.
Cependant, cette volonté affirmée de souveraineté économique n’est pas sans risques. Elle peut être perçue comme une instabilité juridique par les investisseurs. En réponse, Barrick Gold a enclenché la procédure d’arbitrage, dénonçant une escalade non conforme à l’accord trouvé en février. La désignation du premier arbitre ouvre une phase contentieuse longue, coûteuse, et potentiellement dommageable pour la réputation du Mali auprès d’autres acteurs du secteur.
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Arbitrage international, un levier puissant mais à double détente
L’arbitrage devant le CIRDI, souvent vu comme un refuge pour les entreprises, est ici une arme de dissuasion juridique. Si le Mali ne peut plus se retirer unilatéralement de la procédure, il reste tenu par les décisions futures du tribunal arbitral. En cas de condamnation, Barrick Gold pourrait faire saisir des biens maliens à l’étranger, rendant l’affaire aussi politique qu’économique.
Cependant, la procédure n’est pas verrouillée. Une sortie à l’amiable reste possible, ce que Barrick affirme souhaiter. Mais le temps joue contre la stabilité de l’environnement minier malien pendant que le conflit perdure, l’incertitude pèse sur les opérations de la mine de Loulo-Gounkoto, l’une des plus importantes du pays. La fermeture temporaire des bureaux de Barrick Gold à Bamako envoie un signal fort : la tension est à son comble. arbitrage ou bras de fer politique ?
Le différend entre Barrick Gold et le Mali est symptomatique d’une nouvelle ère : celle où les États africains veulent reconfigurer leurs relations avec les grandes compagnies minières. Mais la bataille pour la souveraineté économique ne peut ignorer les règles du jeu international. Si l’arbitrage peut être un levier de régulation, il souligne aussi le besoin de clarté, de dialogue et d’équilibre dans les réformes fiscales et minières. À défaut, c’est la confiance et les investissements qui risquent de s’éroder, au détriment de tous.