mercredi, février 12 2025

La Saint-Valentin, cette fête mondialement célébrée le 14 février, a traversé les frontières et s’est implantée dans de nombreuses cultures africaines. Traditionnellement, elle est perçue comme un moment dédié à l’amour, où les couples échangent des cartes, des fleurs, des cadeaux et des mots doux. Cependant, avec l’essor du commerce et du marketing, cette journée semble aujourd’hui devenir un événement bien plus axé sur la consommation que sur la véritable célébration de l’amour. Une question se pose alors : la Saint-Valentin est-elle une véritable fête de l’amour, ou n’est-elle qu’une occasion pour les entreprises de promouvoir leurs produits et d’accroître leurs ventes ?

La Saint-Valentin trouve ses origines en Europe, notamment en Angleterre et en France, où elle a été instituée au Moyen Âge comme une journée dédiée aux amoureux. Toutefois, en Afrique, cette célébration est relativement récente. Bien que la fête de l’amour soit ancrée dans de nombreuses cultures africaines à travers des rituels et des coutumes, comme le mariage ou la dot, la Saint-Valentin en tant que telle a été introduite avec la mondialisation, souvent par le biais des médias, des réseaux sociaux et des entreprises multinationales. Ce phénomène a commencé à se répandre surtout dans les grandes villes, où la culture occidentale est plus présente.

La Saint-Valentin : une fête de l’amour ou du consommateurisme ?

Aujourd’hui, tout comme dans de nombreuses parties du monde, la Saint-Valentin en Afrique est devenue une opportunité commerciale. Les publicités se multiplient et les commerçants se préparent déjà à cette journée en offrant des réductions sur des produits tels que des fleurs, des parfums, des chocolats, des bijoux ou même des séjours romantiques. Les marques, tant locales qu’internationales, voient cette journée comme une occasion de booster leur chiffre d’affaires en jouant sur la corde sensible des émotions et du désir de plaire à son partenaire.

Dans plusieurs pays africains, les entreprises spécialisées dans la vente de produits de luxe ou de services destinés aux couples ont développé des offres spéciales pour la Saint-Valentin. Par exemple, des hôtels haut de gamme proposent des forfaits romantiques incluant dîner aux chandelles et nuitée dans une suite de luxe. Les fleuristes, quant à eux, connaissent un pic de demandes, avec des roses rouges devenant des symboles incontournables de cette journée. On assiste même à la création de bouquets « personnalisés », souvent à des prix exorbitants.

Le résultat ? La Saint-Valentin, initialement une célébration de l’amour, est aujourd’hui perçue par de nombreux jeunes comme une occasion d’acheter l’amour. Cette dynamique évoque un autre questionnement : l’amour peut-il être véritablement acheté ou est-ce simplement un moyen pour le commerce de manipuler les sentiments et les émotions ? « L’amour ne devrait pas se mesurer à la valeur d’un cadeau. Dans nos traditions, c’était les gestes et l’engagement qui comptaient. Aujourd’hui, on a l’impression que si tu n’achètes rien, tu n’aimes pas vraiment. », estime pour sa part Aïssata, entrepreneure.

L’amour à l’épreuve du marketing

L’influence du marketing et des réseaux sociaux sur la Saint-Valentin est indéniable. Des campagnes publicitaires aux posts Instagram de couples affichant des cadeaux onéreux, la Saint-Valentin s’est progressivement transformée en un spectacle visuel où l’amour est souvent présenté sous une forme idéale et matérialiste. L’aspect commercial de l’événement est exacerbé par les campagnes ciblées, notamment sur des plateformes comme Facebook, Instagram et TikTok, où les publicités montrent des couples avec des cadeaux somptueux, des repas de luxe et des escapades inoubliables.

« Dès début février, les entreprises via des publicités nous inondent de messages : achetez ceci pour prouver votre amour ! Mais est-ce encore sincère si on se sent obligé ? », a fait savoir Dora, communicante. Cette dimension consumériste est particulièrement marquée dans les grandes villes africaines, comme Lagos, Abidjan ou Nairobi, où les jeunes adultes, souvent influencés par les images véhiculées sur les réseaux sociaux, se sentent obligés de répondre à des attentes sociales et émotionnelles en achetant des cadeaux coûteux ou en organisant des événements spectaculaires pour leur partenaire. Le marché de la Saint-Valentin est devenu un secteur clé dans ces économies urbaines, avec des millions d’euros de recettes générés chaque année.

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Une célébration de l’amour traditionnel ou occidental ?

Il est important de souligner que la Saint-Valentin, dans son essence commerciale, a peu de lien avec les traditions amoureuses africaines. Dans de nombreuses cultures du continent, l’amour est célébré de manière plus profonde, souvent par des rituels communautaires qui vont bien au-delà des simples échanges de cadeaux.

« Chez nous, l’amour se prouvait par le respect, le partage et les attentions quotidiennes. Les anciens n’avaient pas besoin d’un jour spécial pour honorer leur épouse ou leur mari », a exprimé Marc. Et à Basile d’ajouter « autrefois, un homme montrait son amour en apportant de la nourriture à sa famille, en construisant un toit solide. Aujourd’hui, c’est un parfum ou un dîner qui font foi ? C’est une autre époque… »
Le mariage, par exemple, est un engagement qui lie les familles, et l’amour se manifeste souvent par des gestes concrets de soutien et de respect. Les cérémonies de mariage et les rituels de séduction dans les sociétés traditionnelles africaines sont des moments où les valeurs communautaires et familiales sont au cœur de l’union, bien loin des aspects marchands de la Saint-Valentin occidentale.

Ainsi, dans des pays comme le Togo, le Cameroun ou le Kenya, certaines jeunes générations préfèrent organiser des rencontres informelles, des repas partagés avec la famille ou des moments authentiques loin du faste commercial des produits de consommation. Pour eux, l’amour ne peut se réduire à une simple journée de cadeaux et de cartes, mais doit s’inscrire dans un engagement quotidien et durable, parfois inspiré des modèles traditionnels. « Je n’ai pas les moyens d’offrir des cadeaux coûteux, mais je peux cuisiner pour ma copine, lui écrire un poème. Pour moi, c’est plus sincère que de simplement acheter un bijou », a déclaré Paul, 25 ans, étudiant.

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L’inévitable intersection entre tradition et modernité

Le débat sur la Saint-Valentin en Afrique pose une question plus vaste. Comment concilier les traditions africaines de l’amour et la mondialisation des célébrations modernes ? Les jeunes générations, particulièrement dans les milieux urbains, sont souvent partagées entre leur désir de maintenir des coutumes culturelles ancrées dans leur héritage et les pressions sociales et commerciales d’une société de consommation.

Cependant, malgré la forte influence commerciale de la Saint-Valentin, il est intéressant de noter que de plus en plus de marques africaines commencent à intégrer des éléments de culture locale dans leurs campagnes. Des entreprises de mode ou d’artisanat créent des produits qui célèbrent l’amour tout en mettant en avant l’artisanat africain, comme des bijoux faits main ou des créations de vêtements traditionnels.

La Saint-Valentin en Afrique est un phénomène en pleine évolution. Si certains la perçoivent comme une fête de l’amour, d’autres la voient davantage comme une occasion commerciale. Toutefois, il est évident que les jeunes générations sont de plus en plus influencées par les dynamiques mondiales du consumérisme. Dans ce contexte, il est important de se rappeler que l’amour, qu’il soit célébré à travers des rituels traditionnels ou modernes, est avant tout un sentiment qui transcende les frontières et les biens matériels. À chacun de redéfinir, à sa manière, ce que cette journée représente et ce qu’il souhaite véritablement célébrer.

 

Tony A.

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