Une opération mondiale de maintien de l’ordre ciblant des groupes criminels organisés d’Afrique de l’Ouest, dont Black Axe, a conduit à des centaines d’arrestations, à la saisie d’actifs d’une valeur de 3 millions de dollars et au démantèlement de multiples réseaux criminels dans le monde.
Opération Jackal III s’est déroulée du 10 avril au 3 juillet, couvrant 21 pays sur cinq continents. Cette initiative a ciblé les fraudes financières en ligne orchestrées par des syndicats ouest-africains de crimes organisés.
Les résultats de l’opération sont impressionnants :
- 300 arrestations
- Identification de plus de 400 suspects supplémentaires
- Blocage de plus de 720 comptes bancaires
- Saisie d’actifs d’une valeur de 3 millions de dollars
Black Axe, aussi connue sous le nom de Hache Noire, est une organisation criminelle violente, spécialisée dans l’escroquerie, le trafic d’êtres humains et de drogue. Fondée dans les années 1970 au Nigeria, elle a évolué pour devenir l’une des mafias les plus redoutées au monde.
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Histoire de Black Axe
Connaissez-vous l’histoire de la confraternité de la hache noire, la Black Axe ? Black Axe est une organisation criminelle ultra-violente, maîtresse dans l’art de l’escroquerie, du trafic d’êtres humains et de drogue, une des mafias les plus puissantes et les plus dangereuses d’Afrique. Retour sur l’histoire d’un groupe mi-mafieux mi-religieux qui commence à peine son expansion. Culte, gang, mafia, la confraternité de la hache noire, communément appelée Black Axe, sème la terreur au Nigeria depuis quelques années.
Elle semble même s’installer en Europe. Groupe aux multiples visages, Black Axe ou Hache Noire officie discrètement dans le monde entier. Cette entité difficilement définissable prend ses racines au sud-ouest du Nigeria, dans la ville de Benin City. À l’échelle locale, c’est un culte ; à l’échelle nationale, c’est un gang sectaire ; et à l’échelle mondiale, une mafia.
Elle est reconnue pour ses rituels d’initiation secrets, l’intense loyauté de ses membres et leur violence sans limite. Une mafia qui gère d’une main de maître des opérations de cybercriminalité de grande envergure, des trafics en tout genre, et dont la réputation meurtrière n’est plus à faire.
Quelques témoignages de survivants, des images et vidéos sanglantes de ceux qui ont croisé leur chemin, quelques articles dénonciateurs, il y a très peu d’informations sur cette organisation, mais une chose est sûre : elle est ultra-violente et dangereusement puissante. Mais qu’est-ce que la confraternité de la hache noire au juste ?
Les origines
Pour comprendre Black Axe, il faut en revenir à ses origines : le Néo Black Movement, dit NBM. Au commencement, c’est un mouvement étudiant, le Nouveau Mouvement Noir d’Afrique (NBM), fondé par des étudiants de l’Université de Benin en 1977. Le NBM s’inscrit dans la vague anticolonialiste du continent africain. Des pays comme la Namibie, le Zimbabwe, le Mozambique et l’Angola sont alors les derniers retranchements de la domination et de l’exploitation par les Blancs. Des initiatives de militants et de syndicalistes émergent partout.
Le NBM n’échappe pas à cette règle ; il est directement inspiré de la vie d’hommes tels que Marcus Garvey, Martin Luther King Junior ou encore Nelson Mandela. Il tire aussi des enseignements panafricanistes de musiciens tels que Robert Nesta Marley, le fameux Bob Marley, ou Peter Tosh. Son idéologie, c’est le néo-négrisme, ce qui se traduit littéralement par « nouveau noir ». Un mélange complexe de radicalisme intellectuel, de panafricanisme, de culture traditionnelle africaine, de relations fraternelles et de rites de passage secrets et d’activisme.
Objectifs et doctrine
La doctrine cherche à orienter les esprits vers un destin noir commun et à inculquer la discipline chez l’individu tant dans son corps que dans son esprit. L’objectif du NBM est de réussir à infiltrer la vie institutionnelle et organisationnelle des Africains. Il veut que les Africains puissent raconter leur histoire d’un point de vue africain. La publication d’un magazine régulier appelé « Uru » sert de porte-parole au mouvement. C’est également un outil de communication pour la coopération et l’échange d’idées pertinentes avec d’autres mouvements néo-noirs et panafricanistes.
Le NBM croit en l’égalité et la fraternité de tous les hommes. Sa devise : « Chaque fois qu’il y a un cri de pression, le néo-négrisme commence ». Son symbole est une hache noire brisant des chaînes, soulignant le désir du mouvement de lutter contre l’oppression. La doctrine plaît et fait parler d’elle rapidement. Le mouvement prend de l’ampleur. En 1982, il ouvre sa première branche en dehors de l’Université de Benin, dans l’ancien Collège d’Éducation d’Abara. L’année suivante, il s’étend à cinq autres universités. En moins de 10 ans, il est opérationnel dans la plupart des grandes institutions tertiaires du Nigeria.
Transition vers Black Axe
Et comme dirait l’autre, « jusqu’ici tout va bien ». Si le NBM s’inspire de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, par sa structure, son secret et son engagement fraternel, il reflète des sociétés comme les francs-maçons qui étaient présents au Nigeria à l’époque coloniale. À la fin des années 80, le Néo Black Movement est tiraillé par des tendances très différentes au sein du groupe. Une branche dissidente, Black Axe, se fait doucement connaître. Plus religieuse que le NBM, son idéologie mélange la vieille religion nigériane et l’activisme anti-colonial. Ses membres adorent Koropho, le Dieu invisible de la justice.
En réalité, ils s’imposent par la violence sectaire dans les rues. Le combat d’idées est terminé ; Black Axe se bat pour la suprématie au Nigeria. C’est la surenchère de violence. Dans des forums internes secrets protégés par des mots de passe, les membres de Black Axe se partagent des vidéos de leurs exploits où ils mettent en scène leurs crimes de torture et leurs meurtres. Ils vont même jusqu’à créer un jeu où ils comptent le nombre de rivaux qu’ils ont tués sous forme de scores footballistiques. Dans les rues, croiser des cadavres après le passage des Axemen est devenu ordinaire.
Processus d’initiation
Qualifiée au départ de gang sectaire, Black Axe est composée de membres brutaux qui aiment tuer. Leur processus de recrutement, qui vise les jeunes hommes de 16 à 23 ans, en dit d’ailleurs long sur leur mode opératoire. Le « bamming », le processus d’initiation secret du gang, est notoirement brutal et ressemble à d’autres rites de passage comme ceux des maras ou de certains vory, mais en plus violent.
Leur modus operandi : fouetter les corps nus de leurs nouvelles recrues jusqu’à ce qu’elles perdent connaissance. La torture se poursuit ensuite sous la forme de rituels. D’abord le « passage du diable » : l’initié doit ramper entre les jambes de ses bourreaux. Ensuite, il doit boire le sang d’une entaille sur son pouce avant de mâcher une noix de cola.
À travers cette souffrance insoutenable, les membres de la Hache Noire entendent faire renaître la recrue et en faire un vrai Axeman.
Promesse de silence et fraternité
La cérémonie se termine par la promesse de la nouvelle recrue qui jure de ne jamais parler des agissements de Black Axe. Après son vœu de silence, on lui offre une robe de cérémonie, son « cercueil », comme l’appellent les Axemen. Pour s’assurer du respect de ce vœu de silence, les Axemen, omniprésents, surveillent en permanence. La punition pour un manquement à ce vœu sera l’exécution. Si certains Axemen sont recrutés contre leur gré, la plupart sont fiers de faire partie de l’organisation.
Le rituel initiatique y est pour beaucoup : la souffrance cimente la loyauté et crée des liens fraternels entre les membres du groupe. En effet, au cri de « Hey Axeman ! », les membres proches se rassembleront et aideront celui qui a crié dans ses requêtes. La Hache Noire a une organisation complexe et hiérarchisée avec différents niveaux de membres, chacun ayant ses spécialités : recruteurs, financiers, hitmen, trafiquants de drogue, trafiquants d’armes, cybercriminels, proxénètes ou encore leaders.
C’est à cause de ses nombreux crimes – prostitution, trafic humain, drogue, organes – et devant les violences répétées que la presse va peu à peu s’intéresser à ce groupe et le qualifier de secte.
Expansion et influence
Malgré le sadisme et le manque de compassion de la Hache Noire, les nouveaux venus ne cessent d’affluer. Elle compte aujourd’hui des milliers de membres lourdement armés qui tuent au Nigeria et un peu partout en toute impunité.
Chef inconnu, personnalités politiques et publiques pourtant dans ses rangs, la Hache Noire fascine autant qu’elle terrifie. D’un côté, elle répond à la terreur ; de l’autre, elle assure un statut et des perspectives d’enrichissement à ses membres. De nombreux Axemen rejoignent cette secte uniquement à des fins de réseautage.
En effet, le Nigeria est le deuxième pays au monde où le taux de chômage est le plus élevé, et dans cet environnement difficile, rejoindre Black Axe peut fournir une protection et des relations d’affaires. Leur idole, Tony Kabaka, un Axeman devenu célèbre pour ses meurtres, ses escroqueries, ses trafics en tout genre et sa cybercriminalité, incarne le rêve de tous ceux qui les rejoignent. La Hache Noire est aujourd’hui devenue une mafia et a quitté les bancs des universités pour rejoindre les quartiers populaires de Benin City et Lagos.
Activités criminelles internationales
Les Axemen sévissent en ligne dans des cyberescroqueries de grande ampleur. Leurs profits sont si faramineux qu’ils s’infiltrent dans les sphères économiques, institutionnelles et politiques de nombreux pays. Ils envoient des membres en Italie, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Malaisie et en Afrique du Sud pour y fonder des cellules appelées « Temples ». En Italie, la ville de Palerme en Sicile est devenue leur fief.
Ils mettent sur pied de gigantesques réseaux de traite humaine. Recrutant en ligne, ils exploitent des milliers de femmes africaines qu’ils forcent à se prostituer et escroquent des entreprises et des personnes via Internet. Leurs messages de cybercriminalité consistent à envoyer de fausses informations à leurs victimes, les incitant à leur transférer des sommes d’argent faramineuses.
Black Axe a connu une croissance fulgurante ces dernières années grâce à la mondialisation et aux nouvelles technologies. Depuis 2018, Interpol et le FBI essaient de démanteler le réseau Black Axe. Plus de 250 arrestations ont été faites, et pourtant ils sont toujours en activité.
Black Axe : la secte la plus meurtrière du Nigeria – documentaire de BBC Africa
Steven Edoé Wilson