[TRIBUNE]Nouveau sommet Afrique-France : des entités de la Sovereignty-bound pour la politique africaine ?
Le nouveau Sommet Afrique-France s’est tenu ce vendredi 8 octobre à Montpellier en France. Ce sommet a été particulier par l’absence des chefs d’Etat et d’autorités institutionnelles. Il a été exclusivement consacré à la jeunesse d’Afrique et de France qui, selon la métropole, bâtit, chaque jour, l’avenir de la relation entre la France et le continent africain. Le président Macron a retrouvé un intérêt subit pour la jeunesse et les sociétés civiles du continent noir. Les raisons…
La première édition du nouveau sommet Afrique-France a connu la participation d’une dizaine de jeunes, originaires de plusieurs pays africains et incarnant le renouveau du continent. Ces derniers ont pris part à la séance plénière du Sommet avec le président français devant qui ils ont été incisifs, à la limite, acerbes dans leurs prises de parole. Leurs grandes envolées lyriques empreintes de furie débitant des propositions éclairées depuis Montpellier pourront-elles impacter directement les décisions du haut niveau en Afrique ?
Non-dits du nouveau sommet Afrique-France
La révolte africaine contre la politique africaine de la France est portée par une nouvelle génération sur le continent. Cette réalité impose au président français, je suppose, de mettre en place un cadre d’écoute de ces jeunes qui représentent, selon l’ancien premier ministre malien Moussa Mara, le grand défi, donc le grand danger. Ainsi, ce nouveau format va permettre à la France de revoir sa politique étrangère en Afrique. Alors, va-t-on vers une nouvelle relation diplomatique entre la France et le continent africain par l’entremise des entités sub-étatiques ?
En tout cas, si l’on se transporte de Montpellier à Bamako, à Ndjamena, nous retrouverons cette jeunesse-là qui est vent debout contre l’ingérence politique de la France dans ces pays en proie au terrorisme. Au Mali, au Sénégal et plus récemment au Tchad, lors des mouvements de protestation, les jeunes du Continent s’en prennent aux symboles de la présence française en Afrique.
Le président Emmanuel Macron a reconnu la force numérique de la jeunesse africaine : « l’Afrique est composée à plus de 70% des jeunes, d’adolescents et d’enfants. C’est un continent de promesse, d’espoir… ». C’est pourquoi « un pays comme la France qui a cette histoire particulière a, d’abord et avant tout, une responsabilité, un devoir. C’est de répondre aux aspirations et aux demandes de la jeunesse africaine. Et c’est d’avoir des projets qui correspondent à ses aspirations, à ce qu’elle nous demande de faire », a indiqué Macron.
Il est, donc, assez vrai et évident que dans une partie de l’Afrique francophone, on assiste à une montée du sentiment anti-français. Des mouvements citoyens font de l’opposition à la France leur cheval de bataille. Cependant, « la France veut assumer sa part d’africanité », s’est engagé le président français. D’où l’urgence d’un nouveau format des relations Afrique-France pour établir un rapport direct avec la jeunesse africaine.
L’esprit de ce nouveau sommet Afrique-France, c’est de composer, de co-créer cette Afrique nouvelle avec ceux qui sont animés de ce panafricanisme flamboyant. Ce sont les jeunes, les acteurs de la société civile. Mais…
Avec les entités à souveraineté liée ?
La diplomatie a longtemps été considérée comme le « domaine réservé » du souverain. À ce terme est associé l’idée d’États entretenant des relations entre eux. Mais depuis plusieurs décennies, l’État central perd progressivement son monopole sur l’activité extérieure et doit composer avec un nombre croissant de nouveaux acteurs qui investissent la scène internationale, parmi lesquels des entités territoriales sub-étatiques et les individus (personnes physiques).
Cette évolution des relations internationales modernes, c’est ce qui est vécu lors de ce nouveau sommet Afrique-France. Un pays, la France à travers son président, Emmanuel Macron, a voulu discuter avec les acteurs sub-étatiques qui malheureusement détiennent une souveraineté liée (Sovereignty-bound), selon l’expression de James Rosenau, Spécialiste des relations internationales et pionnier dans l’étude de la mondialisation. Ce qui amène à s’interroger sur les conséquences voire les retombées de ce sommet quand on sait que les décisions de gouvernance n’appartiennent pas aux sociétés civiles africaines encore moins aux individus africains.
L’une des participants au nouveau sommet Afrique-France, notamment la Burkinabé Eldaa KOAMA l’a très bien reconnu lorsqu’elle livrait son message au président Macron en ces termes : « Monsieur le président, vous avez voulu ce sommet différent. Vous nous avez appelés, nous sociétés civiles tout en sachant bien que nous, tout ce qu’on peut faire, c’est dire ce qu’on pense, mais vous, vous êtes président et vous pouvez prendre des décisions… », a-t-elle évoqué.
Ceci étant l’association des chefs d’Etat africains absents à ce nouveau sommet Afrique-France reste indispensable et incontournable. Ils ont et auront leurs mots à dire pour la « je suppose » bonne application des résolutions dudit sommet. Maintenant, l’on se demande si cette association se fera de manière imposée parce que c’est ce que les jeunes africains ont décidé sans eux ou ce serait amendé pour un document final partagé par tous ? La question vaut son pesant d’or et l’après nouveau sommet Afrique-France nous édifiera plus.
Donis AYIVI, Politiste internationaliste, Consultant en Communication et en Gouvernance démocratique