La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, se prépare à relever un nouveau défi avec l’arrivée des nouvelles normes européennes en janvier 2025. Bien avant cette échéance, le pays s’est engagé dans un processus de certification pour garantir la durabilité et l’éthique de sa production de cacao, à travers des labels comme Utz, Rainforest Alliance et Fairtrade.
Cependant, ce parcours vers la conformité n’est pas sans obstacles, et soulève des questions sur la faisabilité de ces nouvelles exigences. Pour la Côte d’Ivoire, l’objectif est clair : se conformer aux nouvelles normes européennes tout en soutenant ses producteurs et en préservant ses ressources naturelles. Les défis sont nombreux, mais les initiatives en cours montrent une volonté de s’adapter et de renforcer la durabilité de la filière cacao. La question reste de savoir si ces efforts seront suffisants pour répondre aux exigences internationales et garantir un avenir prospère pour les producteurs ivoiriens.
Les producteurs face à la réalité du marché
En dépit de la hausse des prix du cacao ces dernières semaines, les producteurs ivoiriens peinent à en tirer profit. Le prix d’achat est fixé par l’État, laissant peu de marge aux cultivateurs. Olivier, un petit producteur, illustre cette situation. Pour lui, vendre son cacao en dehors des circuits légaux, via la contrebande, n’est pas une option viable. Il préfère se tourner vers les coopératives qui lui offrent des avantages tangibles comme des intrants pour ses champs et des formations. « C’est ça l’intérêt », affirme-t-il, insistant sur la nécessité de vendre légalement pour maximiser ses bénéfices.
Cependant, la fraude persiste. Le Conseil Café Cacao (CCC) et les autorités ivoiriennes en sont bien conscients. Une police spéciale surveille les frontières pour empêcher la fuite du cacao vers les pays voisins. Marcel Koné, représentant local du CCC, précise que les contrebandiers encourent des peines sévères, allant jusqu’à dix ans de prison ferme et la saisie de leurs produits. Cette répression est essentielle pour maintenir l’intégrité du marché intérieur du cacao.
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Les limites et défis de la certification
Les certifications actuelles et les futures normes européennes posent plusieurs défis. Une des grandes questions est celle de la traçabilité numérique, cruciale pour répondre aux exigences de transparence imposées par l’Europe. Toutefois, cette traçabilité rencontre des obstacles majeurs, notamment dans les zones rurales dépourvues de connexion internet fiable. De plus, la fiabilité des scellés des sacs de cacao reste une préoccupation.
François Ruf, ancien chercheur du Cirad et spécialiste du cacao, exprime son scepticisme. Selon lui, les certifications actuelles ne garantissent pas la protection des forêts comme prétendu. Il cite l’exemple de la forêt de la Bossématié, où la déforestation continue malgré les mesures de protection en place. « Toutes ces certifications sont des certifications d’itinéraire et pas du tout de caractéristiques de fève », explique-t-il, soulignant les limites des systèmes de certification actuels.
Les autorités ivoiriennes, conscientes de ces défis, ont intensifié les sanctions contre les coopératives et les exportateurs soupçonnés de fraude. Dans un contexte de flambée des prix et de récoltes décevantes, le CCC a suspendu plusieurs coopératives et interdit l’exportation de cargaisons Fairtrade suspectes.
Tony A.