Les assises de la justice, voulues par le président sénégalais, se sont conclues mardi 4 juin après cinq jours de débats intenses. Cette rencontre a rassemblé 376 participants, incluant magistrats, avocats, membres de la société civile et professeurs d’université. L’objectif : élaborer des propositions concrètes pour réformer le secteur judiciaire au Sénégal, en mettant l’accent sur son indépendance et son accessibilité pour tous les citoyens.
Les assises de la justice au Sénégal ont permis de dégager des pistes de réformes ambitieuses et nécessaires pour améliorer l’indépendance de la justice et la rapprocher des citoyens. Reste à voir comment ces recommandations seront mises en œuvre pour transformer durablement le système judiciaire sénégalais et répondre aux attentes des justiciables
Vers un système plus indépendant grâce aux assises de la justice
L’un des principaux axes des réformes proposées concerne l’amélioration de l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs judiciaire et exécutif. Les participants ont suggéré de transformer le Conseil constitutionnel en une Cour constitutionnelle. Selon Moundiaye Cissé, directeur de l’ONG 3D, cette transformation serait une révolution : « Si c’est une Cour, cela signifie qu’elle pourrait être composée de membres élus par leurs pairs ou proposés par les magistrats eux-mêmes. Ainsi, l’exécutif n’aurait plus autant d’impact sur son fonctionnement. »
Cette proposition vise à réduire l’influence de l’exécutif sur le pouvoir judiciaire, un changement perçu comme crucial pour garantir une justice impartiale et équitable. En effet, la nomination actuelle des membres du Conseil constitutionnel par le président de la République soulève des questions sur l’indépendance réelle de cette institution. En devenant une Cour constitutionnelle, cette entité bénéficierait d’une plus grande autonomie et d’un respect accru de la séparation des pouvoirs.
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Rapprocher la justice du justiciable
Un autre point essentiel abordé lors de ces assises est la nécessité de rendre la justice plus accessible aux citoyens. Les participants ont souligné l’importance de recruter massivement des greffiers et des magistrats pour réduire les délais de traitement des dossiers et améliorer la qualité du service judiciaire.
Alioune Tine, fondateur de l’Afrikajom Center et défenseur des droits de l’homme, a insisté sur ce besoin urgent : « Rapprocher la justice des justiciables, c’est recruter encore plus de 500 ou 600 magistrats. Si nous avons des gens qui restent longtemps en prison sans que leurs dossiers soient examinés, c’est parce que les juges sont complètement dépassés par la situation. »
En outre, Mame Penda Ba, chercheuse à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis et rapporteure de l’une des commissions, a évoqué la nécessité de décoloniser la justice sénégalaise. Elle a expliqué que la justice, telle qu’elle est actuellement, est une institution héritée de la colonisation et qu’il est temps de la repenser pour qu’elle reflète mieux la société sénégalaise. Cela inclut le renforcement de l’usage du wolof dans les tribunaux et l’enseignement des droits et du fonctionnement judiciaire à l’école.
Des recommandations pour l’avenir
Les propositions issues de ces assises seront compilées dans un rapport qui sera remis au président de la République à la fin de la semaine prochaine. Ce rapport mettra en lumière les priorités identifiées pour réformer le système judiciaire sénégalais. Parmi ces priorités, la construction de nouvelles prisons et la révision de la politique pénale, souvent jugée trop répressive, sont des points cruciaux.