Le nouveau président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, élu en mars dernier, effectuera une visite officielle à Ouagadougou ce jeudi 30 mai. Cette visite, qualifiée d’« amitié et de travail », marque une étape significative dans la politique extérieure du Sénégal vis-à-vis de ses voisins de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Le déplacement de M. Faye au Burkina Faso intervient dans un contexte de tensions régionales et de réformes politiques intenses, alors que le Burkina Faso, le Niger et le Mali ont récemment tourné le dos à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) suite à des coups d’État militaires.
Par ailleurs, cette visite s’inscrit dans une série de déplacements régionaux visant à renforcer les liens bilatéraux et à promouvoir le panafricanisme. Mais les multiples déplacements de Bassirou Diomaye Faye en Afrique de l’Ouest depuis son investiture soulèvent des questions sur ses véritables intentions. Que se cache-t-il derrière cette activité diplomatique frénétique ? Est-ce une simple prise de contact ou une véritable stratégie d’intégration et d’influence régionale ? Cherche-t-il à apprendre des dynamiques locales et à s’intégrer dans le paysage politique régional, ou vise-t-il à asseoir son influence et à prendre la main sur les processus de décision régionaux ?
Prise de contact de Bassirou Diomaye avec le pouvoir ?
Depuis son investiture début avril, Bassirou Diomaye Faye n’a pas perdu de temps pour se positionner comme un acteur incontournable de la diplomatie ouest-africaine. Son déplacement à Ouagadougou en est la preuve. Selon l’agence d’information du Burkina (AIB), « le président Bassirou Diomaye Faye et le président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, vont échanger sur le renforcement de la coopération bilatérale et sur des sujets d’intérêt commun ».
Cette rencontre avec le capitaine Ibrahim Traoré, qui a récemment prolongé son mandat de cinq ans, illustre la volonté de Faye de consolider des relations solides avec les régimes militaires en place dans la région. En effet, le Burkina Faso, le Niger et le Mali, unis au sein de l’AES, ont opté pour une politique de rupture avec la CEDEAO, qu’ils accusent de favoritisme envers la France et de manque de soutien face à la menace djihadiste.
Panafricaniste convaincu et homme de gauche de 44 ans, Bassirou Diomaye Faye, semble vouloir jouer un rôle de médiateur entre ces nations et la CEDEAO. Lors d’une récente visite à Accra, le président ghanéen, Nana Akufo-Addo, a explicitement demandé à Faye de contribuer à la résolution de la crise entre l’AES et l’organisation régionale. Cette mission de réconciliation pourrait renforcer la position du Sénégal comme un acteur clé dans la stabilisation et l’unité régionale.
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Tout pour une réintégration de l’AES dans la CEDEAO
Le président Bassirou Diomaye Faye ne cache pas ses ambitions de faire revenir le Burkina Faso, le Niger et le Mali dans le giron de la CEDEAO. « Il est crucial pour notre région de retrouver une unité et une coopération solide pour faire face aux défis communs », a-t-il déclaré récemment. Cette vision, partagée par plusieurs leaders ouest-africains, est essentielle pour maintenir la stabilité et promouvoir le développement économique et social de la région.
La visite de Bassirou Diomaye Faye à Ouagadougou est une étape importante de cette stratégie. En discutant directement avec les dirigeants militaires, il espère poser les bases d’un dialogue constructif et d’une éventuelle réintégration de ces pays dans la CEDEAO. Cette démarche est également en phase avec les attentes internationales, notamment de la part des partenaires européens et américains, qui voient en la CEDEAO un pilier de la sécurité et de la coopération en Afrique de l’Ouest.
En parallèle, la rencontre entre Faye et le général Mamadi Doumbouya en Guinée, un autre pays ayant connu un coup d’Etat récent, montre la volonté du président sénégalais de s’engager activement avec tous les régimes en transition. Lors de cette visite, les deux chefs d’Etat ont mis l’accent sur la promotion du panafricanisme et de l’intégration sous-régionale, démontrant ainsi leur alignement stratégique.
Cependant, cette tâche est loin d’être simple. Les régimes militaires au pouvoir dans ces pays ont exprimé une profonde méfiance envers la CEDEAO, et toute tentative de réintégration devra surmonter des obstacles politiques et idéologiques significatifs. Faye devra naviguer entre les aspirations des populations locales et les impératifs de la coopération régionale, tout en évitant de donner l’impression de s’ingérer dans les affaires intérieures de ces États souverains.
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Vers le Togo : prochaine étape diplomatique ?
Après le Burkina Faso et la Guinée, la question se pose : quelle sera la prochaine destination de Bassirou Diomaye Faye ? Le Togo de Faure Gnassingbé pourrait être une étape logique dans sa tournée diplomatique. L’éventualité d’une prochaine visite au Togo, dirigé par Faure Gnassingbé, est fortement plausible. Le Togo, bien que n’étant pas membre de l’AES, joue un rôle crucial dans la dynamique régionale.
Une visite de Bassirou Diomaye Faye à Lomé pourrait renforcer sa position en tant qu’acteur clé de la CEDEAO et élargir son réseau d’alliances politiques. De plus, le Togo, en tant que membre influent de la CEDEAO, pourrait servir de point d’appui pour les efforts de réintégration des pays de l’AES dans l’organisation. Le Togo, membre de la CEDEAO, joue un rôle stratégique en Afrique de l’Ouest et pourrait être un allié important pour Faye dans ses efforts de réconciliation régionale.
Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005, a une expérience significative des dynamiques politiques régionales. Et les résultats éloquents de sa diplomatie active ces dernières années dans la sous-région ouest africaine l’illustrent fort bien. Une rencontre entre Faye et Gnassingbé pourrait aborder des questions cruciales telles que la sécurité, le développement économique et l’intégration régionale. De plus, le Togo, tout comme le Sénégal, a intérêt à maintenir la stabilité et la coopération au sein de la Cedeao.
Tony A.