jeudi, novembre 21 2024

C’est un peu l’histoire de l’Arlésienne, ce personnage de l’opéra de Georges Bizet dont on parle tout le temps mais qui n’apparaît jamais sur scène. La question de la cherté et de l’écart du tarif aérien entre les compagnies aériennes à Cotonou et à Lomé est invariablement posée sans aucune réponse précise. Et pourtant la réalité est bien têtue…

Un passager qui voyage de Lomé vers Paris débourse moins qu’un passager de Cotonou vers Paris. D’un côté, des prix raisonnables et de l’autre, des tarifs exorbitants. Il a donc fallu hier, la déclaration de Jacques Ayadji, Directeur général des transports terrestre et aérien du Bénin à l’issue d’une rencontre avec les compagnies aériennes opérant au Bénin, pour relancer la polémique. Car, le propos au lieu de situer l’opinion publique s’est embourbé dans une comparaison inappropriée et incohérente avec Lomé.

Une comparaison pertinente ?

« Cotonou est très attractif. Le taux de remplissage des avions est très élevé ce qui fait que les prix sont élevés. Dans le même temps à Lomé, le taux de remplissage est très faible. C’est alors une politique à leur niveau de baisser les prix pour attirer la clientèle. Ce qui n’est pas la même situation que Cotonou », a-t-il justifié. Lomé l’est-il moins ? Quelle est la pertinence de la comparaison avec le Togo ? Que dit la réalité des chiffres ces dernières années ? Quels sont les critères auxquels, l’autorité béninoise adosse l’attractivité ? Pourquoi les coûts ne flambent pas sur les vols européens où par exemple le taux de remplissage est plus élevé ? Qu’en est-il réellement ?

L’espace aérien togolais reste très convoité par les passagers et les compagnies. Selon les données compilées de l’Agence nationale de l’aviation civile (ANAC) le trafic à l’Aéroport International Gnassingbé Eyadema (AIGE), est dans une tendance haussière. En 2019, 916 000 passagers ont été enregistrés sur la plateforme, ce qui représente un peu plus du double l’année suivante, (460 000 en 2020) marquée par une baisse de près de 49% des voyageurs sous l’effet Covid-19. Dès 2021, le trend a repris du rythme avec la levée des principales restrictions. 960 000 passagers ont été à cet effet enregistrées, contre 1 231 249 en 2022. Il en est de même pour l’année 2023 où la date du 06 novembre, la compagnie Asky, basée à Lomé, dit avoir transporté 1 000 300 passagers au départ et à destination de l’Aéroport international Gnassingbé Eyadéma (AIGE).

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Des records que Cotonou est loin d’atteindre…

Ces chiffres ne sont pas si loin de l’objectif d’1,5 million de passagers à l’horizon 2025, fixé en cohérence avec l’ambition gouvernementale de faire du Togo, un hub aérien dans la sous-région. A la différence de l’aéroport international Cardinal Bernardin Gantin de Cotonou dont le trafic est estimé à 520 000 passagers en 2023, le succès de Lomé s’explique par une ambition stratégique déclinée dont entres autres l’augmentation des capacités et des fréquences des compagnies.

L’implantation d’Asky qui a fait de l’aéroport de Lomé sa base logistique est un atout majeur. Il en est de même pour l’entrée de l’État togolais au capital de la compagnie pour une prise de participation de 14,39 % à raison de 6000 actions souscrites. Surfant donc sur le dynamisme économique retrouvé par le pays, la plateforme a amélioré son offre avec, entre autres, l’extension des capacités d’accueil et de fret, l’ouverture de nouvelles lignes et l’arrivée de compagnies.

L’enjeu est de capter des voyageurs en transit vers d’autres villes. Depuis juin 2022, Ethiopian Airlines assure des vols non-stop, trois fois par semaine entre Lomé et Washington (entre l’aéroport de Dulles de Washington, et Gnassingbé Eyadema Lomé), puis vers sa base d’Addis-Abeba. Il est question de renforcer la position de la capitale togolaise, comme un point de relais sur le continent, des vols longue distance vers l’Oncle Sam. L’aéroport est desservi, au niveau régional, par Asky, Air Burkina, Ethiopian Airlines et Air Côte d’Ivoire, L’arrivée des compagnies Turkish Airlines, de Corsair et de Rwandair permet de diversifier et de dynamiser le flux international vers Lomé.

Un secteur aérien en plein essor

L’autre atout majeur de l’aéroport international Gnassingbé Eyadéma (AIGE) face à l’aéroport international Cardinal Bernardin Gantin de Cotonou est en réalité, la tarification des compagnies au départ de Lomé. En estimant que Lomé baisse les prix pour mieux attirer les passagers, le directeur béninois des transports terrestre et aérien, Jacques Ayadji pêche par ignorance. La réalité est que les compagnies pratiquent des tarifs exorbitants au départ de Cotonou parce qu’elles sont utilisées par le gouvernement béninois comme collecteurs de taxes, droits et redevances.

Dans une célèbre tribune publiée dans le magazine panafricain Jeune Afrique en avril 2021, Nowel Ngala alors Directeur commercial d’Asky, président du comité aéro-politique de l’AFRAA (African Airlines Association) détaille : « Pour un passager qui voyagerait du Bénin au Sénégal, le total des taxes, frais et redevances est même 118 % plus élevé que le tarif net du billet : alors que la compagnie aérienne reçoit un montant net de 107 dollars pour couvrir tous les coûts d’exploitation, y compris le carburant, la restauration, l’assistance au sol, l’hébergement de l’équipage, le logiciel de réservation, la maintenance, la location d’avions, etc. , le Bénin percevra 6,30 dollars de taxe de sécurité, 1,8 dollars de taxe fiscale, 54,30 dollars de taxe de développement touristique, 8,10 dollars de redevance de développement aéronautique, 11,90 dollars de redevance de sécurité pour les passagers, 3,60 dollars de taxe de solidarité avec les passagers aériens et 10,70 dollars. »

Le Bénin impose des taxes et redevances exorbitantes aux compagnies

C’est donc en réalité les taxes, les droits et les redevances que le gouvernement du Bénin impose aux compagnies qui flambent le prix du billet d’avion. En justifiant donc cette hausse par l’attractivité, en l’imputant aux compagnies et en établissant une comparaison maladroite avec Lomé, le directeur béninois est dans le mensonge.

Actuellement, un passager au départ de Lomé paie 3000 FCFA comme taxe de sécurité alors qu’au départ de Cotonou, il paie 24 600 FCFA. Dans le même temps, la taxe de développement aéronautique est fixée à 10 000 FCFA au départ de Lomé et à 20. 000 FCFA à Cotonou. Sans oublier les autres nombreuses taxes qui n’ont rien à voir avec le développement aéronautique. Imaginez donc si toutes les taxes étaient réduites ou supprimées et qu’il ne restait que les redevances nécessaires.

Il n’est pas question d’attractivité mais d’une politique volontariste. Nous savons désormais tous où le bât blesse, ce qui est censé être fait et comment s’y prendre. Le Président de la République en cohérence avec la feuille de route gouvernementale a toujours renouvelé sa volonté de créer un environnement favorable aux investissements privés, pour au mieux renforcer l’intégration économique régionale.

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