Selahaddin Gülen est au cœur d’une affaire digne d’un roman policier. Alors qu’il était au Kenya en tant que demandeur d’asile, ce ressortissant turc, dont l’oncle est la bête noire du président turc Erdogan, a mystérieusement disparu au début du mois de mai. Les autorités d’Ankara assurent désormais le détenir.
Une semaine après la divulgation du retour forcé dans son pays de Selahaddin Gülen, le Kenya reste mutique sur cet incident et sur le rôle qu’il a pu y jouer.
Mystérieuse disparition de Selahaddin Gülen
Selahaddin Gülen est le neveu du prédicateur musulman Fethullah Gülen, basé aux Etats-Unis. Ce dernier, fondateur de la confrérie Gülen, est accusé d’avoir orchestré la tentative de coup d’Etat de 2016 en Turquie, ce qu’il a toujours nié. Depuis, une traque est menée contre les membres du réseau Gülen.
Selahaddin Gülen, aussi résident aux Etats-Unis, avait été arrêté à son arrivée à l’aéroport de Nairobi le 17 octobre 2020. Il se rendait, selon lui, au Kenya pour se marier. L’arrestation faisait suite à une demande de la Turquie qui l’accusait de « pédophilie », et réclamait son extradition. Mais ses avocats rétorquent que ces actes présumés ont été « jugés et se sont conclus par un acquittement (…) en 2018 ».
Ils ajoutent que le gouvernement turc mène « de longue date une campagne afin de poursuivre et de persécuter le requérant ainsi que sa famille », affirmant que le frère, la sœur et 62 autres membres de la famille de Selahaddin sont actuellement en prison. En mars 2021, la justice kényane refuse son extradition, reconnaît le statut de demandeur d’asile de Selahaddin Gülen, et le place en liberté provisoire.
Son contrôle judiciaire l’obligeait à se rendre tous les lundis au commissariat. Or, depuis le 3 mai dernier, il n’a pas réapparu. C’est son épouse qui a donné l’alerte. Après elle, des membres du réseau Gülen ont réclamé sa libération. L’agence de presse étatique turque Anadolu a affirmé le 31 mai que Selahaddin Gülen avait été rapatrié par des agents des renseignements turcs.
Dénonciation du rôle trouble du Kenya
L’un des avocats de Selahaddin Gülen, Jotham Arwa, accuse les autorités kényanes d’avoir « capturé de manière gratuite et flagrante » son client et de l’avoir « détenu au secret » dans le but de « contourner la loi » et de le renvoyer en Turquie. L’attitude des autorités kényanes, et leur silence sur cette affaire, une semaine après la divulgation de l’endroit ou Selahaddin se trouve, réconforte dans leur position ceux qui accusent le pays.
« Comment des agents étrangers peuvent-ils parvenir à attraper quelqu’un, partir avec et l’emmener à JKIA (l’aéroport international) et le faire sortir du pays ? Sans que personne ne pose de questions ? ». S’interroge Otsieno Namwaya, militant de Human Rights Watch pour l’Est africain, lorsqu’il affirme que le gouvernement kényan se borne à dire qu’il a été kidnappé par des agents turcs à la porte du commissariat.
Ces accusations se fondent sur des antécédents du gouvernement Kenyan qui a déjà extradé vers leurs pays, des demandeurs d’asiles. Notamment, le leader indépendantiste kurde Abdullah Öcalan capturé en 1999, alors qu’il séjourne dans la résidence de l’ambassadeur de Grèce à Nairobi.
Ce ressortissant turc était traqué depuis longtemps par les autorités de son pays. HRW cite de nombreux cas de Rwandais, de Burundais, de Congolais et d’Ethiopiens arrêtés au Kenya et forcés à rentrer chez eux. « L’hostilité du gouvernement kényan envers les demandeurs d’asile est tout simplement stupéfiante, réagit Otsieno Namwaya. Le gouvernement actuel ne respecte pas du tout la justice », conclut-il.
Pour le moment ni la police, ni les responsables kényans de l’immigration n’ont souhaité répondre aux multiples demandes de commentaires de l’AFP.
Kylian
Mot Clé : Selahaddin Gulen