vendredi, novembre 22 2024

Donis AYIVI, Politiste internationaliste, Consultant en Communication et en Gouvernance démocratique

Le mercredi 31 mars 2021, la Cour pénale internationale (CPI) a confirmé définitivement l’acquittement de l’ancien président de la Côte d’ivoire, Laurent Gbagbo, et de son ministre Charles Blé Goudé. Accusé de quatre chefs de crimes contre l’humanité dont meurtres, viols, persécutions et autres actes inhumains, le président Gbagbo avait déjà été acquitté en 2019. Donc, c’est juste une confirmation qui relance un gros débat sur la CPI et son fonctionnement. Peut-être, cela ressuscite le vieux débat de l’opportunité de la création de cette Cour pénale internationale. Cette décision ne confirmerait-elle pas que la CPI est évidemment un instrument entre la main des puissances à l’image du conseil de sécurité de l’ONU ?

La décision de ce mercredi de la chambre d’appel de la CPI a suscité une euphorie générale en Côte d’ivoire, notamment dans la capitale. Des scènes de liesse, des déclarations de joie des militants du FPI ont embrasé le pays. « Aujourd’hui, pour moi, c’est une journée de folie. Voilà la libération qu’on attendait depuis une décennie, Dieu merci, c’est arrivé. C’est la libération de l’Afrique entière, à partir de Laurent Gbagbo, de la Côte d’Ivoire en particulier. On doit décréter cette journée, journée de joie », exultait un militant.

L’uppercut asséné à Bensouda, ancienne PG de la CPI

Le point capital de cette ultime audience de la saga CPI/Gbagbo/Blé Goudé est le rejet de l’appel de l’ancienne procureure de la CPI contre la décision de la chambre de première instance. Cette première décision d’acquittement nous rappelle la disparition forcée de l’emblématique Fatou Bensouda lorsque l’ancien président ivoirien avait été relaxé avant même la fin des audiences.

L’ancienne procureure générale était, à cette époque, injoignable, plus possible de l’avoir au téléphone, avait-on témoigné. A la question de savoir où est donc passé Mme la procureure générale ? L’un de ses collaborateurs répondit : « elle est partie en retraite ».

Fatou Bensouda ne pouvait pas supporter la pression de cette actualité qui tournait en boucle sur les médias à longueur de journée. On dirait que c’est plus fort pour une femme. Néanmoins, elle a retrouvé un courage de vapeur pour interjeter appel. Ce qui faisait croire à l’opinion africaine que Mme Bensouda faisait à la tête de la CPI plus de pratiques de la science politique que juridique, son domaine de prédilection. En tout cas, les deux – politique et droit – semblent marcher ensemble, mais pas des amis dans la pratique, ni en théorie.

Plus loin, on pourra dire de Bensouda qu’elle était décidément le bras armé des grandes puissances contre le président Laurent Gbagbo. Les reproches faits à la procédure conduite par la procureure générale étaient grotesques et très évidents. Témoins incohérents et incertains, preuves imaginaires et faibles, dossier léger voire vide, pour ne citer que ceux-là.

En ce moment-là, Bensouda répondrait urbi et orbi ceci : « je remplis mon mandat en toute indépendance et impartialité ». De cette réponse, on pouvait déjà noter le malaise et le mal-être constants de la Gambienne.

Les kyrielles de déconvenues dans ce bamboula juridique à la Bensouda couronnées par l’acquittement des criminelles avérés, selon la charpente de la procédure de la CPI au départ, ouvre un autre chapitre constellé de questionnements. Où sont les vrais auteurs des 3 000 victimes des violences postélectorales d’avril 2011 en Côte d’ivoire si dix ans après l’ouverture du dossier, les grands ivoiriens de misère sont blanchis ? La CPI « abroge par la présente toutes les conditions restantes à la libération de M. Gbagbo et M. Blé Goudé », a déclaré le juge président la chambre d’appel, Chile Eboe-Osuji.

Ô CPI, où est ta victoire ?

Fondé en 2002 à la faveur du Statut de Rome, la CPI a toujours brillé dans le tourbillon des critiques, des diatribes, des déceptions. Elle qui avait suscité l’espoir d’un monde meilleur sans impunité des criminels de masse. Dans les dossiers emblématiques où le monde entier l’attendait de pieds fermes, aucune issue plausible. Alors que la Cour n’intervient qu’en dernier recours, si un Etat refuse de juger les auteurs de crime de masse.

On se rappelle de l’affaire Kenyatta relatives aux violences postélectorales de 2007-2008. L’actuel président du Kenya qui avait vu, en décembre 2014, les charges contre lui retiré par la CPI. Jean-Pierre Bemba avait, également, été acquitté définitivement. Que des déceptions.

La Cour pénale internationale présente à ce jour un bilan bien maigre malgré les condamnations des Congolais Thomas Lubanga et Germain Katanga ou du Malien Ahmad al-Faqi Al-Mahdi pour crimes de guerre. Elle a du mal à redorer son blason aux yeux de l’opinion internationale, surtout africaine.

Bon revenons à cette affaire chaude d’acquittement du fils de Gagnoa. Laurent Gbagbo est libre malgré la responsabilité hiérarchique qu’on pouvait imaginer dans ce débat de droit international pénal, quid des vrais coupables. Parce qu’on ne pourra jamais dire qu’il n’y a pas de coupables devant ces crimes bruyants contre l’humanité, 3 000 morts avec ses corollaires.

Supposons que c’était deux camps qui se sont affrontés ou se réclamaient la victoire de la présidentielle de 2011 en Côte d’ivoire conduisant aux violences en question, si l’un est blanchi, l’autre doit se poser la question de savoir si…

 

Tout compte fait, la mission de la CPI en Côte d’ivoire les violences postélectorales de 2011 est loin de prendre fin, si elle veut être acquittée, à son tour et comme Laurent Gbagbo, devant les jugements permanents et légitimes de l’opinion publique africaine et des accusations des chefs d’Etat africains. Dirait-on que Gbagbo a joué la première partie, attendons la seconde manche des enquêtes de la CPI ?

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