John Fru Ndi, l’un des opposants historiques du président Paul Biya, est décédé à l’âge de 81 ans des suites d’une longue maladie. L’annonce a été faite mardi dernier par son parti, le Social Democratic Front (SDF). Cette disparition marque la fin d’une époque pour l’opposition camerounaise.
« Le Chairman » était le président et fondateur du SDF, le principal parti d’opposition représenté à l’Assemblée nationale. Malgré ses trois tentatives infructueuses de se présenter contre Paul Biya lors des élections présidentielles de 1992, 2004 et 2011, il est parvenu à incarner une force de contestation face au régime en place depuis plus de 40 ans.
Critiques et contreverses
Cependant, ces dernières années, le SDF a perdu de son influence, notamment face au Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) dirigé par Paul Biya. Le parti de l’opposition avait obtenu 18 sièges à l’Assemblée nationale dans la précédente législature, mais ce chiffre est tombé à seulement cinq sièges lors des élections de 2020.
Le parcours politique de John Fru Ndi n’a pas été exempt de difficultés internes au sein du SDF. Surnommé « le Chairman », il a été contesté par certains cadres du parti ces dernières années. Des accusations ont été portées à son encontre, l’accusant d’enrichissement personnel grâce au financement public des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale et de compromis avec le pouvoir en place.
Lors de la dernière élection présidentielle en 2018, John Fru Ndi, déjà malade, avait laissé sa place à son vice-président, Joshua Osih. Cependant, c’est Maurice Kamto, leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), qui était parvenu à se hisser à la deuxième place, reléguant le candidat du SDF à la quatrième position.
Depuis lors, Maurice Kamto est devenu le principal opposant au régime de Paul Biya. Bien que le MRC n’ait pas d’élus à l’Assemblée nationale en raison d’un boycott des élections de 2018, il a su mobiliser une partie de l’opinion publique camerounaise.
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Début modeste pour John Fru Ndi
John Fru Ndi avait débuté en politique dans les années 1980 au sein du RDPC avant de fonder le SDF en 1990, à une époque où le multipartisme était légalisé au Cameroun. Avant de se lancer dans la vie politique, il avait exercé divers métiers, notamment celui de marchand de fruits et légumes et de libraire.
Né en 1941 à Baba II, près de Bamenda, dans la partie anglophone du Cameroun, John Fru Ndi a toujours défendu une position en faveur de l’unité nationale et s’est opposé aux revendications indépendantistes. Cela lui a valu d’être considéré comme un ennemi par les séparatistes anglophones les plus radicaux.
La région du Nord-Ouest, dont Bamenda est le chef-lieu, est le théâtre d’un conflit sanglant depuis plus de six ans entre les groupes armés séparatistes et l’armée camerounaise.
Crise anglophone
Malgré les tensions et les attaques dont il a été la cible, John Fru Ndi a toujours maintenu son engagement politique, faisant participer son parti à tous les scrutins. En 2019, il avait soutenu l’idée d’une solution fédéraliste proposée par les séparatistes les plus modérés, mais cette proposition avait été rejetée par le pouvoir en place.
Les violences perpétrées tant par les groupes armés que par les forces de l’ordre dans les régions anglophones ont été régulièrement dénoncées par l’ONU et les organisations internationales de défense des droits humains.
La disparition de John Fru Ndi laisse un vide dans le paysage politique camerounais et soulève des questions sur l’avenir de l’opposition face à un pouvoir en place depuis plusieurs décennies.
Steven E. Wilson