Initialement prévus pour démarrer en juillet 2020, les échanges commerciaux dans le cadre de l’accord continental de libre-échange ont été lancés le 1er janvier 2021. Covid-19 oblige. Les pays africains ont donc acté la Zone de Libre-Echange Continental Africaine (ZLECAF), ouvrant leurs marchés à la libre circulation des biens et des services en franchise de droits.
ZLECAF, ce projet ambitieux de l’Afrique et des Africains, mérite des précisions importantes. Sur les 55 pays africains, 54 l’ont signé et 34 l’ont ratifié. Ce qui limite la zone pour l’instant. Mais cela n’est pas le seul couac à envisager.
Le projet de la ZLECAF
La Zone de Libre-Echange Continental (ZLECAF) est un projet qui vise à regrouper les différentes communautés sous-régionales qui forment le continent en une seule communauté. Il s’agit de mettre ensemble 1,3 milliard de consommateurs en un marché unique avec suppression des droits de douane sur la plupart des marchandises. De libéraliser le commerce des principaux services, de s’attaquer aux obstacles non tarifaires freinant les échanges commerciaux intrarégionaux. Selon la Banque mondiale, cela pourrait permettre de sortir jusqu’à 30 millions d’Africains de la pauvreté extrême.
Les conditions de réussite de la ZLECAF
Le succès de la mise en œuvre de la ZLECAF dépend de la volonté politique et de l’engagement des États membres et de leurs dirigeants. La vitesse à laquelle la ratification de l’accord par les Etats africains s’est produite, pourrait être interprétée comme une adhésion politique généralisée. Mais cette adhésion doit aller plus loin.
L’objectif à terme (agenda 2063) de la ZLECAF est la suppression de 90% des droits de douane sur le commerce en Afrique. Et c’est ici qu’il y a un hic. Les tarifs douaniers sont d’importantes sources de revenus pour de nombreux États africains. Ces derniers sont-ils prêts à accepter les pertes de revenus résultant de la réduction des tarifs douaniers intra-africains ?
Il est vrai, et des études le confirment, que les tarifs intra-africains constituent une petite partie des recettes tarifaires africaines (0,1 % du PIB africain en 2015 ; 3,5 milliards de dollars) et que la mise en œuvre de la ZLECAF aura un effet négatif limité sur les recettes publiques au niveau du continent. Les pertes ne se feront sentir que sur les premières années mais, l’augmentation des échanges induites, devrait bénéficier plus à ces pays. Mais ces bénéfices s’accumulent au fil des ans et même des décennies.
Les Etats, sauront-ils promouvoir les politiques adéquates pour soutenir l’impact de ces déficits de recettes sur les populations ? L’autre grande interrogation est la réaction de ces populations avides d’une vie meilleure. La libéralisation des échanges peut entraîner des bouleversements sociaux et une déstabilisation si des mesures ne sont pas prises.
Diversification des productions par Etat
Les Etats africains doivent se réunir et définir les productions agricoles, manufacturières et autres à promouvoir dans chaque Etat. Ces pays basent leurs performances presque sur les mêmes secteurs d’activité. Ainsi, sont-ils nombreux à investir dans les mêmes productions. De l’agriculture aux nouvelles technologies en passant par les services offerts par les petites et moyennes entreprises. La question que cela va soulever est qui sera acheteur quand nous produirons tous, les mêmes choses dans la zone ?
De plus, l’essor de l’économie numérique en Afrique est une bonne chose, mais qui a aussi son corollaire. Les expertises en la matière sont les mêmes d’un pays à l’autre, puisque le niveau d’avancée connu en matière d’économie numérique est le même dans les pays. Sauf quelques-uns comme le Nigéria et l’Afrique du sud qui sortent du lot. Se pose encore la question de qui aura besoin de l’autre. Le marché africain sera envahi des mêmes produits, des mêmes services, des mêmes offres qui ne serviront pas et l’Afrique sera obligée d’importer davantage des autres continents.
L’objectif de la zone de libre-échange est de contribuer à créer des emplois et à favoriser une richesse nationale durable, construisant ainsi une société inclusive telle que décrite dans l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Et la pandémie de Covid-19 au lieu de la mettre à mal, a plutôt fait ressortir la nécessité pour le continent d’émerger.
Toutefois, la réussite de cette zone dépendra de plusieurs facteurs interdépendants. En particulier, la volonté des dirigeants de chaque État membre de passer à l’étape suivante et de mettre en œuvre l’accord, la capacité et l’aptitude à coordonner et à harmoniser les politiques commerciales entre les États, les régions et le monde, ainsi que l’élimination de tous les obstacles au commerce, la bonne gouvernance et le développement des infrastructures. En outre, la réussite de la ZLECAF sera un tremplin pour l’Union Africaine qui vise à atteindre les Etats unis d’Afrique.