À deux mois des élections législatives anticipées prévues pour le 17 novembre 2024, le paysage politique sénégalais connaît une reconfiguration significative. Entre alliances stratégiques et repositionnements, les partis s’activent pour soumettre leurs listes de candidats avant la date limite fixée par le ministère de l’Intérieur. L’une des principales évolutions de ces dernières semaines est l’alliance inattendue entre l’Alliance pour la République (APR) de l’ex-président Macky Sall et le Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade, deux anciennes forces adverses qui désormais s’unissent pour tenter de remporter ces élections.
La nouvelle coalition entre l’APR et le PDS marque un tournant dans la stratégie politique des deux formations. Pour le PDS, qui avait soutenu Bassirou Diomaye Faye lors de la présidentielle du 24 mars dernier, ce rapprochement représente un changement de cap. Maguette Sy, cadre du PDS, justifie cette décision en expliquant que « le parti marche avec ceux qui souhaitent avancer avec eux », rejetant ainsi l’idée de s’allier sous la bannière unique du Pastef, actuellement au pouvoir. Cependant, cette alliance pour ces élections législatives anticipées n’est pas sans critiques. Certains observateurs n’hésitent pas à qualifier cette coalition de « l’alliance des perdants », en référence aux échecs électoraux récents de l’APR et à l’absence de candidat propre pour le PDS lors de la dernière présidentielle.
L’alliance APR-PDS : une stratégie gagnante ou une « alliance des perdants » aux législatives anticipées ?
Cette coalition n’est pourtant pas une surprise totale. Déjà en janvier 2024, ces deux partis avaient coopéré à l’Assemblée nationale pour adopter le report de la présidentielle. Ce rapprochement stratégique s’inscrit donc dans une continuité logique, même s’il suscite des interrogations sur son efficacité électorale. La question centrale reste de savoir si cette union renforcera leur base ou divisera davantage l’opposition sénégalaise.
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Pour certains experts, comme l’enseignant-chercheur en sciences politiques Moussa Diaw de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, cette alliance APR-PDS a une logique idéologique forte. « Ce sont des libéraux qui se retrouvent », explique-t-il, soulignant que les deux partis partagent des bases idéologiques communes, malgré leurs divergences historiques. L’ancien président Macky Sall aurait même joué un rôle clé dans l’initiation de ce rapprochement, opérant dans l’ombre pour réconcilier les deux camps. L’annonce de la participation d’Idrissa Seck, ancien Premier ministre de Wade et ancien président du Conseil économique et social sous Macky Sall, à cette coalition renforce encore cette idée d’un regroupement des forces libérales.
Cependant, cette alliance pour les élections législatives anticipées ne fait pas l’unanimité au sein du PDS. Certains cadres du parti expriment leur mécontentement, estimant que cette décision pourrait affaiblir l’opposition, en créant des dissensions internes. Ce risque de fracture est d’autant plus préoccupant que le parti au pouvoir pourrait en tirer profit, exploitant ces divisions pour renforcer sa position avant les élections. Ainsi, à l’aube des législatives anticipées, le jeu politique au Sénégal se complexifie avec ces alliances à la fois stratégiques et contestées, laissant entrevoir une bataille électorale serrée et imprévisible.
Tony A.