Le président français, Valéry Giscard d Estaing, est décédé à l’âge de 94 ans. Un homme qui a marqué de son sceau l’histoire des relations franco-africaines. Il avait pris ses fonctions en 1974 en promettant de donner un nouvel élan à la politique africaine de la France. Mais, avec plusieurs révélations scandaleuses, il a perdu sa popularité et légitimité en Afrique pendant son septennat.
L’ancien président français, décédé le 2 décembre 2020, était très attiré par le continent africain. Sous son règne, la France y a été très dynamique, s’attirant souvent les foudres des autres pays. Des relations entre Valéry Giscard d Estaing et l’Afrique, les Français ne retiennent que la fameuse « affaire des diamants », cadeau de l’empereur de Centrafrique Bokassa au président français.
Protéger les intérêts économiques de la France en Afrique
La politique giscardienne en Afrique commence par un voyage chargé de symboles en Algérie en 1975. Giscard d Estaing est le premier président français à s’y rendre en déplacement officiel depuis l’indépendance. « La page est tournée », affirme Houari Boumédiène, alors président algérien.
Dans un communiqué, les deux pays manifestent leur volonté de rapprochement et d’échanges sur les plans culturel et économique ainsi qu’un intérêt commun pour une redéfinition de « l’ordre économique international ». Mais très tôt, le soutien de la France au Maroc sur la question du Sahara occidental va brouiller de nouveau les relations.
Le mandat de Valéry Giscard d Estaing sera marqué par une constance dans les relations France Afrique. « Il sait que, pour exister au sein de l’Ouest, il lui faut apparaître aux yeux des Américains, qui sortent de la guerre du Viêtnam, comme le meilleur rempart militaire contre le communisme sur le continent », écrit Jean-Pierre Bat dans Afrique contemporaine.
En effet, sous son règne, la France a été spécialement très énergique pour protéger ses intérêts économiques en Afrique. Ceci, parfois à travers des accords mal conclus avec certains régimes. Ce qui conduira à l’intervention de l’armée française au Zaïre (l’actuelle RDC), en Mauritanie, au Tchad, en Centrafrique entre 1977 et 1981.
L’intervention militaire la plus emblématique est celle de Kolwezi au Zaïre en 1978, lorsque les parachutistes français sautent sur la ville pour protéger 3 000 ressortissants Français et Belges pris en otages par des rebelles. Si l’opération, tant sur le plan militaire que politique, est un succès, au final, la France échoue à s’imposer comme un partenaire essentiel du Zaïre.
Dans l’optique d’étendre sa zone d’influence, la France va ainsi construire, à partir de 1976, deux réacteurs nucléaires en Afrique du Sud. Le pays est pourtant placé au ban des nations pour sa politique d’apartheid. Les détracteurs de VGE affirment qu’au-delà des intérêts de la nation, le président protège aussi ceux de sa famille, très impliquée dans l’industrie nucléaire.
Rappelons que Djibouti a accédé à l’indépendance le 27 juin 1977 sous la présidence Giscard. L’accès à l’indépendance de ce pays s’est fait dans le calme, un climat de paix qui contraste avec les prévisions des observateurs qui craignaient le pire. Comme l’a écrit Daniel Bach, « la diplomatie française a œuvré à neutraliser les prétentions territoriales des Etats de la région. Tout en travaillant, en parallèle, avec les politiques locaux ».
Pour ce qui des Comores, dernier territoire français en Afrique avec Djibouti, son indépendance, a été plus chaotique et a débouché in fine sur la partition du territoire, l’île de Mayotte voulant conserver ses liens avec la France. Aujourd’hui encore, l’Union des Comores revendique sa souveraineté sur Mayotte.
« L’affaire des diamants » et le soutien de la France à certains régimes
En dehors du coté de politique intérieure que comporte « l’affaire des diamants », elle constitue une parfaite illustration des options parfois controversées de la France dans ses soutiens à certains régimes. En effet, Jean-Bedel Bokassa accède au pouvoir le 31 décembre 1965 à la faveur d’un coup d’Etat. La République centrafricaine, comme son nom l’indique, a une situation stratégique essentielle.
Le fait que le nouveau président putschiste soit francophile, et qui plus est ancien capitaine de l’armée française, constitue un atout. Aussi, Paris ferme les yeux sur les agissements d’un homme que le général de Gaulle a pourtant qualifié de « soudard ».
Sous Valéry Giscard d Estaing, la France reste indifférente aux pratiques dictatoriales du nouvel homme fort de la Centrafrique. C’est donc fort du soutien de la France et de son ami Giscard d Estaing que Bokassa va dans un premier temps s’autoproclamer président à vie, puis maréchal et enfin empereur en 1977. En effet, en décembre 1977, quand bien même le président français n’y assiste pas, la France finance ainsi, sans compter, le sacre ridicule de l’empereur autoproclamé Bokassa 1er.
C’est une « affaire » qui lui a peut-être coûté sa réélection à la présidence de la République française. Le 10 octobre 1979, « le Canard enchaîné » révèle que Valéry Giscard d Estaing, alors qu’il était ministre des Finances, a reçu en 1973 du président centrafricain Jean-Bedel Bokassa une plaquette de trente carats de diamants. Cette information suscitera une polémique embarrassante pour VGE lors de la présidentielle de 1981.
La semaine suivante, « le Canard » affirme que la valeur de la plaquette est de 1 million de francs et précise que d’autres diamants lui ont été offerts à l’occasion de ses déplacements à Bangui entre 1970 et 1975.
Le 27 novembre, le président Giscard d Estaing oppose un « démenti catégorique et méprisant ». Mais, un an plus tard, le 16 septembre 1980, l’hebdomadaire satirique relance l’affaire, en publiant un entretien téléphonique avec l’ancien empereur centrafricain Jean-Bedel Bokassa, déposé de son trône le 20 septembre 1979.
Il affirme « avoir remis à quatre reprises des diamants au couple présidentiel. Vous ne pouvez pas imaginer ce que j’ai remis à cette famille-là. »
Contrairement aux indications du président français, pour qui les diamants reçus n’étaient que de petites pierres, Bokassa affirme lui avoir offert des diamants de 10 à 20 carats. Il soutient également avoir offert à la famille Giscard d Estaing, dont deux cousins, plus de diamants qu’à n’importe qui d’autre. « Je les ai gâtés », déclare-t-il, ajoutant : « Ils sont pourris. ».
Valérie Giscard d Estaing tout comme ses deux prédécesseurs (de Gaulle et Pompidou) a laissé faire. C’est seulement le massacre d’une centaine d’écoliers par la garde personnelle de Bokassa qui a suscité l’intervention de la France.
Ceci, en 1979. Une fois encore, les parachutistes français sont mis à contribution afin de chasser le dictateur du pouvoir. L’Afrique francophone est considérée comme une chasse gardée pour Valéry Giscard d Estaing. Un continent dans lequel on peut tout faire sans en être inquiété.
Il faut rappeler que Valéry Giscard d Estaing est aussi un passionné de la chasse, en particulier les safaris. Il ne trouvait rien à redire au fait d’avoir abattu un « grand éléphant » en République centrafricaine ni un grand Koudou, « un animal que j’ai longtemps recherché », se confie-t-il à France bleue Orléans.
Comme un ultime adieu à ce continent qui lui est cher, c’est enfin en Afrique qu’il situe l’action de son dernier roman paru en 2011. Mathilda raconte l’histoire tragique d’une famille allemande venue s’installer en Namibie. Un hymne charnel à l’Afrique, selon Thomas Mahler du Point.
A la lumière de ce précède, on peut dire que la politique africaine de Giscard d Estaing était entre des ambivalences et ruptures.